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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/885

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question qui l’intéressait. Il demeura là près de quatre mois, sur cet îlot plat, aride et malsain ; mais la vue toujours présente des longues montagnes bleues qui forment le premier relief du plateau d’Éthiopie à quelques lieues de la côte entretenait dans son âme le courage et l’espérance. À la même époque vivait à Massaouah un honnête Éthiopien, Ato Samuel, qui avait fait autrefois partie de la cour de Théodoros et qui depuis, ayant eu à se plaindre de Johannès Kassa, s’était retiré à l’étranger. C’est lui qui, pendant le séjour forcé de Minylik à Gondar, avait été chargé de sa direction, et il avait su dans ces fonctions délicates s’attirer l’affection de son élève ; aussi n’attendait-il qu’une occasion pour se rendre au Choa. M. Arnoux fit sa connaissance, il apprit de lui le fond qu’on pouvait faire sur l’intelligence et la bonne foi du jeune prince, les ressources considérables du pays, le caractère hospitalier des populations. Sans plus tarder, notre voyageur s’occupa de rédiger à l’adresse du roi Minylik une longue lettre où il exposait son programme : il ne s’agissait de rien moins que d’ouvrir une route à l’Europe vers l’Afrique centrale par Obock et le Choa, de renouveler le traité d’amitié et de commerce conclu en 1843 entre le roi Louis-Philippe Ier et Sahlé Sallassi, de fournir sur les marchés de Marseille un débouché aux produits éthiopiens en dehors de toute ingérence égyptienne, de fonder sur les hauts plateaux une colonie française, d’introduire au Choa notre industrie et notre civilisation, d’aider par tous les moyens moraux et matériels le roi Minylik à régénérer l’Éthiopie, de faciliter aux explorateurs et aux savans l’entrée au cœur du continent africain, d’entraver enfin par notre présence et nos efforts la traite des esclaves, qui fait la honte et la douleur de l’humanité. Le pli, secrètement confié à deux hommes sûrs, parvint quarante-cinq jours plus tard à Woreillou, où se trouvait alors le roi Minylik, sur les confins. de son empire, dans le pays des Wollo Galla. Presque aussitôt après M. Arnoux partait pour Marseille, où il espérait trouver de puissans appuis ; c’est là qu’il reçut au bout de deux mois, par l’entremise de son personnel resté à Massaouah, la réponse du roi. Minylik approuvait entièrement son programme et le priait de venir le plus tôt possible au Choa pour s’entendre avec lui sur l’exécution.

À peine débarqué en France, M. Arnoux s’était adressé au grand commerce de Marseille, mais sans parvenir à se faire entendre ; pour les uns, il n’était qu’un aventurier, un rêveur, l’Afrique centrale n’existait que sur la carte ; pour les autres, l’Éthiopie du sud, les pays Gallas, ne produisaient ni l’ivoire, ni le café, ni les peaux, ni la cire, ni les plumes, ni le musc. D’autre part, en réponse à une lettre de M. Arnoux au ministre de la marine pour proposer l’établissement de comptoirs français à Obock, le ministre