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des pays Gallas, Mgr Taurin, son coadjuteur, évêque nommé d’Adramytta, tous deux intimes conseillers du roi, les pères Louis de Gonzague et Ferdinand ; depuis lors d’autres missionnaires sont venus les rejoindre. Leurs principaux établissemens, visités par M. Arnoux, sont dans les domaines du roi de Choa : Escha, Fekrié Gumb, Houen Amba, Aman, Daro Mikael, Finfini et plusieurs autres propriétés de moindre importance ; dans les pays Gallas indépendans, le principal siège de la mission est à Kaffa, puis viennent Lagamara, Ghera, Gemma Abba Giffâr, etc. Ces divers établissemens sont desservis par Mgr Coccino, évêque de Maroc in partibus et le père Léon. Les services rendus par ces courageux apôtres sont considérables et ils n’ont pas peu contribué par leur prédication et leur exemple à répandre dans la société éthiopienne des sentimens nouveaux d’humanité, de douceur et de moralité. Évidemment l’œuvre de M. Arnoux est indépendante de toute considération ou préoccupation de propagande religieuse ; seulement, depuis de longues années déjà, les Éthiopiens se sont aperçus de la honte et du danger qu’il y avait pour eux à recevoir leur patriarche ou abouna de l’église cophte d’Alexandrie, entièrement livrée à l’Égypte, leur plus cruelle ennemie. Peut-être est-ce là une place à prendre pour le clergé catholique ; en tout cas, il faudra beaucoup de prudence, d’habileté et de modération.

Il existait aussi au Choa en 1875 une mission protestante, composée de son chef, M. Mayer,et de deux autres Allemands, MM. Grainer et Jacob. Installés à Mal Houze, vivans d’ailleurs aux frais du roi, ils semblaient retirer assez peu de fruits de leur apostolat. Eux aussi, ils auraient profité de la réussite de M. Arnoux ; mais à la vue de ce Français qui du premier coup s’était emparé de l’esprit du roi, M. Mayer avait senti se soulever dans son âme le vieux levain des rancunes germaniques ; lui qui depuis quinze ans déjà habitait l’Ethiopie, qui avait connu Minylik à la cour de Théodoros, il souffrait cruellement de se voir relégué au dernier plan sans aucune influence ; dès lors il nourrit de secrets désirs de vengeance.

Cependant la mauvaise saison était arrivée. En Ethiopie, depuis le 4e degré de longitude nord jusqu’au 12e environ, les pluies torrentielles commencent dans les premiers jours de juillet et continuent durant trois mois sans interruption ; toutes les eaux tombées sur les hauts plateaux s’écoulent dans le Nil qui, démesurément grossi, déborde en arrivant dans les plaines basses de l’Égypte et les féconde de son limon. Ces trois mois, juillet, août et septembre, sont proprement l’hiver du pays ; alors les routes sont coupées et les moindres cours d’eau deviennent infranchissables. M. Arnoux mettait à profit ces retards forcés pour compléter l’organisation de la caravane.


L. LOUIS-LANDE.