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moyen de se préserver des coups d’état, qui ne sont pas d’ailleurs aujourd’hui, que nous sachions, une éventualité bien redoutable ? C’est de les rendre impossibles, d’en écarter jusqu’à la pensée de tous les esprits, en organisant de plus en plus une république sérieuse, équitable, libérale et nationale, qui offre toute garantie à la sécurité intérieure comme aux intérêts extérieurs de la France. C’est de ne pas susciter à tout propos des problèmes irritans, des conflits de partis et de croyances, qui laissent entrevoir une série d’expériences et d’agitations périlleuses. C’est de ne pas fixer capricieusement des échéances de crises nouvelles, en représentant sans cesse cette date prochaine du 5 janvier comme le point de départ de changemens inévitables, de brusques déplacemens d’influences, d’une transformation du ministère avec des programmes qui ne promettent rien ou qui laissent trop craindre. C’est de montrer enfin qu’avec les institutions nouvelles de la république la réalité rassurante est plus forte que les mauvaises apparences, un gouvernement sensé peut durer, le pays peut vivre tranquille, et la France peut tenir sa place de nation respectée et paisible au milieu des agitations de l’Europe.

La France a du moins cet avantage auquel elle doit attacher un assez grand prix pour ne pas s’exposer légèrement à le perdre : elle est en paix avec elle-même et avec tout le monde. Elle se repose dans une certaine sécurité intérieure et extérieure qu’aucun danger pressant ne semble menacer, tandis que d’autres pays qui n’ont pas eu ses malheurs, qui ont eu au contraire toutes les faveurs de la fortune, ne sont pas à l’abri des épreuves ou des préoccupations. Il est certain que pour le moment l’Europe traverse une phase assez sombre, assez ingrate. Les souverains sont tristes, les gouvernemens sont assaillis d’embarras, les parlemens ne sont pas en fête, les affaires générales du monde n’ont absolument rien de riant et de rassurant.

Qu’en sera-t-il définitivement des suites de la dernière guerre d’Orient, et qu’adviendra-t-il du traité de Berlin qui a couronné la guerre ? Il finira par recevoir son exécution, il n’en faut pas douter, ce traité conquis par la volonté, par l’influence de M. de Bismarck. La Russie finira par retirer son armée, après avoir arrangé une situation à sa convenance, après avoir réglé ses affaires avec la Turquie par une convention directe, supplémentaire ou complémentaire, que le traité de Berlin, à vrai dire, semblait rendre inutile, mais que le cabinet de Saint-Pétersbourg juge absolument nécessaire. L’empire ottoman, lui aussi, finira probablement par reprendre quelque équilibre dans la confusion où il est resté. Les gouvernemens finiront par se mettre d’accord sur les conditions pratiques de cette pacification laborieuse. Rien n’est cependant terminé encore, et jusqu’ici il y a plus de négociations, plus d’explications que de résultats bien sensibles et bien décisifs. Qu’ad-