Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/958

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
I. Les Femmes dans la société chrétienne, par M. A. Damier, 2 vol. in-4o, Didot. — II. Sainte Elisabeth de Hongrie, par M. de Montalembert, 1 vol. in-4o ; Saint Louis, par M. Wallon, 1 vol. in-4o, Marne. — III. Les Enseignemens d’Anne de France, par M. Chazaud, 1 vol. in-4o, Desroziers.


Il ne sera besoin que de quelques mots pour expliquer que les ouvrages dont nous inscrivons ici les titres se touchent, et se tiennent par un lien très étroit. Le nom de leurs auteurs dit assez l’esprit qui les anime. Ce sont tous livres d’étrennes, bien imprimés, précieusement illustrés ; ce sont livres de science et de talent, ce sont enfin livres d’édification : on dirait presque livres de piété.

M. Dantier ne s’est proposé rien moins que de retracer, dans une galerie de tableaux d’histoire, de littérature et de sainteté, le rôle des femmes dans la société chrétienne. C’est une noble histoire en effet, pleine d’enseignemens généreux, de grands exemples et de dévoûmens héroïques. Ni la solidité ne manque à l’érudition de M. Dantier, ni la vie même à ses tableaux, ni quelque charme à son style, et le livre est intéressant. Aussi bien le sujet n’eêt-il pas soutenu l’auteur, que, pour sauver et recommander ces deux volumes, ce serait encore assez de l’illustration. Elle est, comme toujours, ce qu’on pouvait attendre de la maison Didot, de son goût éprouve, de son zèle pour un art à l’histoire duquel on peut dire qu’elle a lié son nom et sa propre histoire.

On pensera bien que, si nous louons ainsi l’illustration, c’est que nous avons à faire quelque querelle au texte. En effet, il nous semble que M. Dantier a commis une légère erreur de goût en prolongeant jusqu’à nos jours cette histoire des femmes chrétiennes. Je ne nomme personne, et je ne voudrais assurément pas manquer de respect à des mémoires vénérées : cependant il y a telle consécration que la sainteté même ne saurait obtenir que du temps. Quelque opinion que l’on professe dans le secret de sa conscience, il serait difficile de refuser son admiration à Jeanne d’Arc. Mais telle figure contemporaine, c’est autre chose : les contemporains ne sont jamais de la grande église, ils sont toujours d’une coterie, d’une chapelle, et, s’il est permis de s’exprimer ainsi, on ne les raconte pas, on les prêche. Peut-être aussi, chemin faisant, M. Dantier n’a-t-il pas respecté l’histoire autant qu’il eût convenu, même en pareil sujet. Dans une galerie des femmes chrétiennes je m’étonne un peu de rencontrer Marie Stuart. Je ne m’étonne pas, mais je suis presque fâché de rencontrer encore sainte Thérèse ou du moins de lire à l’occasion de sainte Thérèse une apologie dans les règles du mysticisme espagnol. Au fond de tout mysticisme, même le plus pur, il y a je ne sais quoi de malsain et de douteux. L’esprit hésite, et s’il est quelque part où il ne soit pas bon de faire hésiter l’esprit, c’est à coup sûr en matière de religion.

C’est un parfum de mysticisme aussi qui flotte dans le livre de M. de