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Montalembert sur Sainte Elisabeth de Hongrie. L’ouvrage remonte à quarante ans déjà passés, et le premier éloge qui lui soit dû, c’est qu’après quarante ans il faut convenir qu’il n’a pas vieilli. C’est qu’aussi le mysticisme n’a pas cessé d’être à la mode. Non pas, bien entendu, le mysticisme sombre et tragique, un mysticisme de mauvais goût, visionnaire et convulsif, mais un mysticisme mondain, « où tout est frais, où tout sent le lilas, » comme l’assure M. Léon Gautier dans l’introduction qu’il a mise à la légende de sainte Elisabeth. C’est à ce mysticisme que le livre de M. de Montalembert parle encore son langage, jusque dans le simple intitulé des chapitres : « Comment la chère sainte Elisabeth, étant âgée de vingt-quatre ans, fut conviée aux noces éternelles, » ou « comment la chère sainte Elisabeth fut ensevelie dans la chapelle de son hôpital et comment les petits oiseaux du ciel célébrèrent ses obsèques. » Heureusement n’est-ce là qu’un mysticisme de surface. On loue la « chère sainte, » recherchant à neuf ans la société des servantes et des filles suivantes, cum anciliis et pedisequis, le trait fournit même à M. Olivier Merson l’occasion d’une charmante aquarelle, mais, en attendant, les mères de famille ne dirigent pas leurs filles dans la voie de la « chère sainte. » Cela s’admire, mais ne se fait pas. Il serait même d’aussi mauvais goût de le faire qu’il est bien reçu de le louer. La perversité moderne répugne à cet excès de perfection. On peut donc recommander sans crainte l’histoire de Sainte Elisabeth de Hongrie comme un livre à lire et d’ailleurs dont l’illustration mériterait d’être louée sans restriction, si nous ne réservions nos éloges pour l’illustration du Saint Louis de M. Wallon.

Le Saint Louis de M. Wallon ne date pas de 1836, il ne date que de quatre années, mais des remaniemens, des suppressions, des additions, des illustrations et de curieux éclaircissemens en ont fait un livre véritablement nouveau. Chromolithographies, cartes, fac simile de diplômes, gravures dans le texte, forment un véritable album et comme une encyclopédie figurée du moyen âge. Monumens de l’architecture religieuse, militaire, civile, reproductions de bas-reliefs, de vitraux, de miniatures, de peintures murales, modèles d’orfèvrerie, types de sceaux, de monnaies, d’écritures, et tout cela copié directement sur les originaux, choisi d’ailleurs avec une égale sûreté d’érudition et de goût : c’est une publication qui fait le plus grand honneur à la maison Marne, et si seulement, à Tours, quand on édite Molière, on ne s’avisait pas de le choisir, il n’y aurait pas ombre de critique à faire de tant de beaux livres d’étrennes. Quant au texte, nous nous contenterons d’y noter une seule phrase : « Saint Louis, dit quelque part M. Wallon, n’était pas seulement un saint, il était un roi ou plutôt l’accomplissement de ses devoirs de roi faisait partie de sa sainteté. » On ne saurait mieux dire. Le renoncement peut être la première vertu d’un moine, mais les plus grands saints ne