publié, et c’est encore aujourd’hui une opinion très répandue. Elle ne me paraît pas pourtant tout à fait vraie. Si Philostrate avait voulu entreprendre une polémique directe avec les chrétiens, soyons sûrs que cette pensée se serait trahie de quelque manière. Les haines religieuses, les plus violentes de toutes, ne peuvent pas si aisément se contenir. Après avoir exalté son héros, l’auteur n’aurait pas résisté au plaisir d’humilier ses adversaires. Or le nom des chrétiens n’est nulle part prononcé ; nulle part on ne saisit contre la personne ou la doctrine du Christ aucune allusion malveillante. Il ne peut donc s’agir ici d’une lutte en règle contre le christianisme, d’un de ces combats au grand jour, comme celui que Celse venait de livrer, puisqu’il n’en est resté aucune trace dans l’ouvrage. Mais alors quel était le dessein véritable de Philostrate, et que voulait de lui la princesse qui lui commanda d’écrire son livre ? C’est ce qu’a montré le célèbre théologien de Tubingue, Christian Baur, dans son ouvrage intitulé Apollonius von Tyana und Christus ; c’est ce que M. Aubé a très judicieusement développé après lui.
Julia Domna était Syrienne de naissance et appartenait à une famille vouée au sacerdoce des divinités de l’Orient. Elle ne partageait donc pas l’esprit étroit et formaliste que les Romains apportaient dans leur façon d’honorer leurs dieux et leur respect timide pour leurs traditions nationales. Son attachement à la religion de son pays et de sa jeunesse n’allait pas jusqu’à la rendre l’ennemie acharnée des autres cultes. Cette grande agitation religieuse à laquelle assistait le monde, et dont l’Orient était surtout le théâtre, avait sans doute éveillé sa curiosité. On ignore quels étaient ses sentimens pour le christianisme, mais on sait que sa nièce, Julia Mammea, voulut connaître Origène, et que les princes de sa maison furent en général bienveillanspour l’église. Parmi les païens éclairés, beaucoup étaient alors portés à croire que les religions ne diffèrent que par l’apparence, qu’au fond elles reposent sur les mêmes principes, qu’elles prêchent les mêmes vérités, et qu’au lieu de se combattre, il leur était possible de s’unir. Aussi se faisaient-ils une opinion personnelle en empruntant sans scrupule les croyances des divers cultes. Ce mélange de doctrines différentes, ou, pour parler comme les philosophes, ce syncrétisme était alors fort à la mode, et il paraît bien qu’il avait pénétré dans la famille impériale des Sévère. Baur fait remarquer que deux princes de cette maison avaient essayé, par des voies très différentes, des fusions de ce genre. Héliogabale bâtit au Dieu-Soleil un temple sur le Palatin, et il y plaça, à côté de la pierre noire d’Émèse, le feu éternel de Vesta, la statue de Cybèle, le palladium et les boucliers sacrés de Mars. Il se proposait d’en faire le centre du culte des juifs, des samaritains