Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle approuve tout, que ce soit bien ou mal. Cela me fait craindre que les bonnes résolutions ne durent pas. »

Elle permet à une autre de ses filles, Mlle de Valois, dépasser la journée, du matin au soir, sans corset, et, quand Madame vient, on cherche vite le corset qui d’ordinaire est égaré. Et enfin, si Mlle d’Orléans prend le voile contre le gré de son père et surtout de sa grand’mère, la cause en est au peu d’affection que sa mère lui porte et à la crainte d’être forcée par elle d’épouser le fils aîné du duc du Maine. Car M. du Maine est le frère chéri de Mme d’Orléans, et la Palatine est outrée de voir sa bru prendre parti d’abord pour les légitimés, ses frères, contre les princes du sang, c’est-à-dire contre ses propres enfans, et surtout, — lors de la conjuration de Cellamare, — pour le duc du Maine contre son mari, le régent. « Mme la duchesse d’Orléans n’aime ni son mari ni ses enfans, elle n’aime que son frère : elle crie à l’injustice quand son mari fait arrêter M. du Maine. »

Aimer le duc du Maine, c’est aimer Mme de Maintenon, et pourtant celle-ci est et reste durant tout le règne de Louis XIV l’ennemie acharnée du duc d’Orléans. Quand en Espagne il se brouille avec la princesse des Ursins, qui l’accuse auprès du roi de vouloir détrôner Philippe V, Mme de Maintenon prend le parti de la princesse contre le duc ; aussi son nom est-il dès lors associé à celui de Mme de Maintenon dans les invectives que la Palatine lui prodigue. Mais c’est surtout à la mort si subite du duc et de la duchesse de Bourgogne et du petit dauphin qu’éclate l’inimitié de la vieille dame contre le duc : « Elle a dit au roi que mon fils avait empoisonné le dernier dauphin, ainsi que le dauphin et la dauphine. On pensait que le roi serait si épouvanté de cette révélation qu’il renverrait mon fils de la cour sans examen. Et voici comment je le sais : quand les docteurs vinrent rapporter au roi qu’ils avaient tout examiné minutieusement et que ces deux personnes n’avaient certainement reçu aucun poison, le roi se tourna vers Mme de Maintenon et lui dit : « Eh bien, madame, eh bien, ne vous avais-je pas dit que ce que vous m’avez dit de mon neveu était faux ? »

Pour en finir avec la famille du régent, nous dirons quelques mots de l’affection que Madame porte à l’un des enfans naturels de celui-ci. Sainte-Beuve s’en étonne. « Elle s’était prise de grande amitié pour un fils naturel du régent, et qu’il avait eu d’une danseuse de l’Opéra nommée Florence ; il lui rappelait Monsieur, avec une plus belle taille. Bref, elle aimait fort ce jeune homme, qu’elle appelait son abbé de Saint-Albin, qui fut depuis archevêque de Cambrai, et lorsqu’il soutint sa thèse en Sorbonne (février 1718), elle y voulut assister en grande cérémonie, déclarant ainsi à la fois et honorant la naissance illégitime de cet enfant. Ce fut dans son