Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle écrit les douze vers de la tirade sans y rien changer, si ce n’est « l’orthograffe » comme elle se plaît à dire, et elle ajoute : « Mon fils aussi cite très souvent ces vers et à bon droit. » Racine n’est pas nommé dans ses lettres, quoiqu’elle assiste aussi à la représentation de ses tragédies. Mais c’est l’Opéra qui a dû être son spectacle de prédilection, et c’est là qu’elle va prendre la plupart de ses citations. « Je crains bien, que la paix ne dure pas longtemps, car l’empereur et le roi d’Espagne font de grandes levées de troupes ; mais je me console en disant comme dans l’opéra de Thésée (de Lulli)

Que la guerre sanglante
Passe en d’autres états,
Ô Minerve savante,
Ô guerrière Pallas ! »

Quand elle raconte à sa sœur comment Mlle d’Orléans, sa petite-fille, fut bénite abbesse de Chelles, arrivée au Te Deum, elle ajoute : « Pendant qu’on le chantait, les nonnes s’avançaient deux par deux et faisaient acte de soumission à l’abbesse en lui faisant de grandes révérences. Cela me rappela la scène où Athis (Atys, opéra de Lulli et Quinault) est proclamé grand prêtre de Cibèle, Là aussi l’on vient deux par deux faire des révérences. Je croyais qu’on allait se mettre à chanter comme dans l’opéra :

Que devant vous tout s’abaisse et tout tremble !
Vivez heureux ! Vos jours sont notre espoir, etc.

Atys a été sans doute son opéra favori, car précédemment déjà elle écrit à sa sœur : « Certes, chère Louise, je vous aimerai toujours. Je peux vous dire comme il est écrit dans Athis : « le sang et l’amitié nous unissent tous deux. » La même citation revient dans une lettre du 8 mai 1718. Et quand elle apprend qu’à Francfort on ne permet pas de fêter le carnaval, elle s’écrie : « Comment se fait-il que l’on soit si sévère ! Ç’a toujours été la coutume de se divertir à cette époque de l’année. Les Francfortois devraient chanter comme dans l’opéra d’Atys :

Que l’on chante, que l’on danse,
Rions tous puisqu’il le faut. »

À en juger par les nombreuses et longues tirades d’opéras, aussi fades que longues, que l’on rencontre à tout instant dans ses lettres, sa mémoire n’était pas si mauvaise qu’elle veut bien le dire. Elle n’a rien oublié de la mythologie, et quand en 1719 on produit sur la scène un Jugement de Pâris (opéra de Bertin,