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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre 1878.

Les années passent et s’enchaînent avec une irrésistible rapidité. Le jour où elles naissent, elles recueillent l’indéclinable héritage de tout ce qui s’est accompli, de tout ce qui est arrivé avant le moment imperceptible où semble s’ouvrir une ère nouvelle, bonheurs ou malheurs, succès ou revers. Le jour où elles expirent, elles lèguent à leur tour l’héritage de leurs actions et de leurs fautes, de leurs entreprises inachevées ou manquées et de ce qui a pu être réalisé dans cet espace de quelques mois si vite parcouru. Elles n’ont pas toutes assurément une fortune égale. S’il y a des années privilégiées, il y en a aussi de néfastes, à jamais marquées du sceau lugubre des catastrophes, et quand il y a eu une de ces années fatales dans la vie d’une nation, quand on a passé une fois un 1er janvier comme celui que nous passions il y a huit ans au milieu des misères du siège et des fureurs du bombardement, préludes des défaites inévitables et des rançons inexorables, le souvenir ne s’en efface pas de sitôt. Le poids de « l’année terrible » se fait longtemps sentir. L’héritage des malheurs accumulés par l’imprévoyance en quelques mois est lourd à porter et long à liquider. Ce n’est qu’avec beaucoup de temps, de travail, de patience, de courage, de sagesse, qu’on guérit les blessures presque mortelles, qu’on répare ce qui semblait irréparable, et qu’on finit par se retrouver à un de ces momens où le poids du passé commence à paraître moins lourd, où une année qui finit ne laisse que de bons souvenirs, des gages plus rassurans, où l’on se reprend enfin à respirer plus à l’aise.

Cette année qui s’achève aujourd’hui, elle est certainement en effet de celles qui gardent une bonne renommée dans l’histoire d’un pays éprouvé. Si elle n’a point été exempte de crises et d’émotions violentes pour l’Europe, elle n’a donné à la France qu’une profonde paix intérieure. Elle reste avant tout pour nous l’année de l’exposition, d’une exposition qui a été d’abord une gageure, qui est devenue une merveille d’invention et qui en définitive s’est accomplie jusqu’au bout dans les