Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

secret de sa pensée d’être l’arbitre d’événemens qui ne pouvaient se produire ? Y a-t-il eu dans la commune plus de frénésie patriotique que de scélératesse préméditée ? Voilà de grosses questions qui exigent de longues réponses, et le lecteur comprendra sans peine que nous reculions devant une tâche qui, pour être convenablement remplie, demanderait à elle seule un travail d’une étendue égale à celui dont nous achevons les dernières lignes. Sur toutes ces questions, M. de Mazade a émis des jugemens avec cette modération qui est une garantie d’impartialité ; il y aurait, nous le croyons, peu de choses à y changer pour qu’ils soient aussi les nôtres, et mous les acceptons comme voisins de la vérité. Tout ce que je veux ajouter c’est que la lecture de ce livre consciencieux a été pour moi pleine de surprises consolantes. Au lendemain de la guerre de 1870, nous avons été sévères pour nous-mêmes, nous avons souvent pris pour vérités les injustices que l’amertume de la défaite nous suggérait contre des catégories entières de nos concitoyens. De quoi, par exemple, n’avons-nous pas accusé nos malheureux généraux pendant et après cette guerre ? Incapacité, ineptie, légèreté, ignorance, toutes ces accusations ont été formulées, sans compter les superstitieuses accusations populaires, qui dans leur effarement ne craignaient pas de parler de trahison. Eh bien ! la lecture des récits si minutieusement circonstanciés de M. de Mazade ne laisse rien subsister, non-seulement des plus graves, mais des plus clémentes de ces accusations. Du premier au dernier, nos généraux ont fait ce qu’ils pouvaient faire dans la position où on les avait placés et avec les élémens qu’on leur avait donnés ; ce n’est pas à eux que revient la responsabilité de leurs revers. Autre surprise plus heureuse encore, cette défense du territoire envahi pendant le siège de Paris, bien qu’à l’exception de deux ou trois succès stériles elle ne compte que des défaites, savez.-vous qu’elle fait eu définitive fort bonne figure dans le livre de M. de Mazade ? En voyant les préoccupations que cette défense donnait aux chefs de l’armée ennemie, les précautions minutieuses qu’ils prenaient pour la couper ou l’empêcher de s’étendre, les mesures cruelles dont ils usaient pour la réprimer, la quantité de troupes aguerries dont ils affaiblissaient leur armée d’investissement de la capitale pour les. porter à la rencontre de troupes rassemblées en toute hâte, sans apprentissage militaire, on se dit que dans d’autres circonstances les envahisseurs auraient joué très gros jeu en s’aventurant ainsi au cœur de la France, et qu’il n’aurait fallu pour qu’ils eussent à s’en repentir qu’une surprise un peu moins subite et un affolement un peu moins universel.

Nous voilà arrivés au terme de cette tâche qu’il nous a été doux