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de remplir, et cependant nous sentons comme si nous n’avions pas rendu encore à notre collaborateur toute la justice qui lui est due. Pour le peindre, nous n’avons usé que de ceux de ses écrits qui sont sortis de cette Revue pour revêtir la forme de volumes, mais que d’études instructives et brillantes nous avons dû laisser hors de notre cadre ! Les volumes publiées sur l’Italie et l’Espagne sont loin de contenir tout ce que notre ami a publié sur ces sujets, et de combien d’autres peuples ne nous a-t-il pas parlé ? Portugal, Russie, Mexique, Amérique du Sud, sans compter tant de pages charmantes ou fortes sur les choses de notre littérature et les personnalités de notre histoire, Jasmin, Mme de Sévigné, Mme de Pompadour. On trouverait difficilement, j’imagine, de notre temps une existence plus studieuse, mieux remplie de nobles et utiles travaux, moins distraite par les ambitions mesquines et les poursuites vulgaires.

Une telle vie mérite sa récompense et attend son couronnement. Nous avons applaudi récemment lorsqu’une justice tardive est venue enfin apporter à notre ami cette marque de distinction sociale qui avait attendu si longtemps pour arriver jusqu’à lui, bien qu’elle s’abatte si aisément sur tant de rusés mérites ; mais cette réparation ne nous satisfait pas encore, et nous croyons pouvoir sans trop d’audace en rêver une autre plus éclatante et plus complète. Il est en France un corps illustre, qui a pour fonction glorieuse de représenter la littérature et qui se plaint parfois, dit-on, que ses choix deviennent difficiles. L’homme dont nous venons d’étudier le talent ne montre-t-il pas cependant que ces difficultés ne sont point absolument insurmontables, et que, sans chercher longtemps, ce corps illustre peut aisément se tirer de peine au moins une fois ? Où trouverait-il mieux réunies tant des qualités qu’il prise justement avant toutes les autres, une vie plus entièrement dévouée au travail, un soin plus constant de tout ce qui fait la dignité de l’écrivain, un respect plus sérieux des choses de l’esprit, une modération politique plus persévérante, une probité intellectuelle plus délicate ? C’est sur l’expression de ce désir de justice que nous voulons clore ces pages, dont la conclusion véritable à notre avis devrait être donnée ailleurs qu’ici et par des voix ayant plus grande autorité que la nôtre.


EMILE MONTÉGUT.