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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/331

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ces graves savans, qui se piquaient de philosophie, écrire sérieusement « que la rosée est quelquefois nuisible aux animaux et aux plantes, suivant qu’elle est composée de parties rondes ou tranchantes et aiguës, de parties douces ou âpres, salines ou acides, spiritueuses ou oléagineuses, corrosives ou terrestres. C’est pour cela que les médecins attribuent à la rosée diverses maladies comme des fièvres chaudes, le flux de sang, etc. On a même observé que ceux qui se promènent souvent sous les arbres où il y a beaucoup de rosée devenaient galeux. » (Muschenbrœck, Essais de physique, p. 740.)

Je n’ai point cité ce passage pour le plaisir irrévérencieux de jeter du ridicule sur nos vieux maîtres, mais pour montrer que depuis Aristote ils n’avaient rien appris et n’ont rien à nous apprendre, que nous pouvons sans dommage fermer leurs vieux livres et commencer l’histoire de la rosée au moment où elle s’est dégagée des fables ridicules, pour devenir scientifique et expérimentale.


I

Charles Le Roi, médecin et professeur au Ludovicée de Montpellier, fut membre de l’Académie des sciences et de la Société royale de Londres. Il écrivit de nombreux ouvrages de médecine aujourd’hui tout à fait oubliés, et, entre temps, il trouva le loisir de faire des observations de météorologie, science facile qui n’exigeait aucune connaissance mathématique et qui offrait aux esprits curieux un aliment dont ils se contentaient faute de mieux. Il eut le bonheur d’y faire une découverte capitale, que rien avant lui n’avait fait pressentir et que tout a confirmée depuis. Il faut croire que, venue un peu trop tôt, elle n’a pas été bien comprise des contemporains, car ils en ont très peu parlé, et qu’elle a été très vite et presque entièrement oubliée, car d’autres savans l’ont retrouvée, l’ont publiée comme étant nouvelle et en ont recueilli les fruits sans parler de Le Roi. Je ne ferai que lui rendre une justice tardive en rétablissant son nom au premier rang parmi ceux des savans à qui nous devons l’explication de la rosée. Il suffira pour cela de résumer comme je vais le faire le mémoire qu’il publia en 1751 dans les recueils de l’Académie des sciences.

Quand on expose à l’air une couche d’eau dans un vase, elle disparaît bientôt. C’est un phénomène simple qui nous est aujourd’hui parfaitement connu. Nous savons que l’eau se change en une vapeur qui est un gaz véritable, aussi transparente que l’air, se mêlant à lui sans qu’on la voie. Mais au XVIIe siècle cette théorie était inconnue ; on se contentait de dire que l’eau est bue ou pompée