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LA ROSÉE
SON HISTOIRE ET SON RÔLE

Un des membres les plus savans de l’ancienne Académie des sciences, Dufay, à qui l’on doit d’importantes recherches sur l’électricité, disait de la rosée qu’il n’est rien de plus commun, de plus fréquent, de plus connu, et que rien n’est moins clair, moins compris, moins expliqué. Ce n’était pas la modestie qui lui inspirait cet aveu, c’était plutôt la conviction qu’il avait d’avoir découvert tout le mystère. Il n’en était rien, car Dufay se borna à soutenir que la rosée qu’on croyait venir du ciel, ce qui est faux, monte au contraire de la terre, ce qui n’est pas plus vrai. Au XVIIIe siècle, tous les physiciens étaient divisés sur cette question de l’origine de la rosée, qui pour eux résumait tout ; ils n’en sortaient point et faisaient à l’envi des expériences qui paraissaient donner également raison aux deux explications. Le bon Muschenbrœck, une des lumières de l’époque, entreprit d’accorder toutes les opinions en distinguant trois espèces de rosée, la première qui tombe du ciel, la seconde qui émane de la terre et la troisième qui est suée par les végétaux : « La rosée des plantes est proprement comme leur sueur et par conséquent comme une humeur qui leur appartient et qui sort de leurs vaisseaux excrétoires. De là vient que les gouttes de cette rosée diffèrent entre elles en grandeur et en quantité et occupent différentes places suivant la structure, le diamètre, la quantité et la situation de ces vaisseaux excréteurs. » Malgré ces concessions, la discussion continua ; elle aurait pu se prolonger longtemps parce que les savans d’alors ignoraient les principes de physique d’où la solution devait découler. Ils soupçonnaient à peine l’existence des vapeurs, ils ne connaissaient ni les conditions de l’échange calorifique entre les corps chauds, ni le rayonnement nocturne de la terre, ni la nature de la chaleur, ni rien de la chimie, et ce n’est point sans tristesse que nous voyons