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chaleur solaire, mais ils ne la perdent pas ; ils la recueillent et l’emmagasinent dans la vapeur formée. Le pied de soleil dont il vient d’être question accumulait en douze heures une réserve de 600,000 calories, ce qui est la chaleur fournie par la combustion de 75 grammes de charbon. Que l’on étende maintenant l’observation de Hales à tous les végétaux qui couvrent une contrée, aux moissons, aux prairies, aux forêts, on arrivera à un effrayant total de vapeurs et de chaleurs accumulées.

Toutes ces lois physiques et toutes leurs conséquences apparaîtront dans leur ordre de succession si nous prenons la peine d’analyser la série des événemens météorologiques qui remplissent une claire journée de l’été ou de l’automne. Tant que le soleil brille, non-seulement la terre jouit de sa chaleur au moment qu’elle lui arrive, mais elle en fait provision pour la nuit afin de se prémunir contre le froid. C’est d’abord l’atmosphère qui s’échauffe en vertu de son pouvoir absorbant, puis tous les objets terrestres qui sont secs, les pierres, la terre, le sable, etc. Ils ne gardent pas tout ce qui leur vient, loin de là ; après s’être échauffés, ils renvoient vers le ciel la plus grande partie des rayonnemens qui en viennent, à travers l’air qui s’échauffe à leurs dépens, le reste se perd dans l’infini sans retour possible. Les corps mouillés et les végétaux ont un rôle plus compliqué, ils font de la vapeur, ils recueillent l’énorme quantité de chaleur nécessaire à la transpiration dont nous venons de parler. Celle-là ne se perd point. Quoiqu’elle n’élève pas la température, elle se conserve latente dans la vapeur formée. Quand la nuit vient, la provision est faite, la lutte va commencer.

D’abord le rayonnement vers le ciel, dissimulé tout à l’heure par l’effluve solaire, n’a plus maintenant de contre-poids, et tout objet qui a un pouvoir émissif se dépouille aussitôt de sa chaleur. Nous avons expliqué comment il reprend, pour la disperser peu à peu, la provision que l’air avait faite, et comment cet air alourdi se répand sur le sol pour constituer la couche inférieure de froidure. Les corps mouillés et les végétaux éprouvent une action de plus. Ils continuent leur évaporation, comme s’ils profitaient des derniers momens du jour pour ajouter encore quelque chose à leur travail ; par là ils se refroidissent plus vite que leurs voisins qui sont secs, et pendant toute la nuit gardent une température plus basse, une avance de froid.

Cette avance de froid, ce rôle particulier des végétaux et des corps mouillés explique des phénomènes nombreux et divers : c’est à cette cause principalement qu’il faut attribuer la fraîcheur plus grande des vallées vers le commencement des soirées d’automne, et la rosée qui s’y fait plus abondante et les brouillards qui s’y