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refroidissement de la cloche est arrêté et la plante garantie. Les serres sont en grand ce qu’un châssis est en petit. J’ai construit récemment, en vue d’appliquer cette théorie, une serre que je me suis préoccupé de laisser très humide. Elle est adossée contre une colline qui a été creusée en grotte ; une petite source y alimente un bassin assez grand, de température toujours modérée et égale à 10 degrés ; enfin les gradins, au lieu d’être en fer et à jour, sont taillés dans des monceaux de terre bien arrosée. À cause de leur masse, ils se refroidissent très lentement ; ils sont remplis de plantes accumulées, et ils évaporent beaucoup d’eau. Cette serre n’est point chauffée ; pourtant il n’y gèle pas, et, ce qui est particulier, l’air n’y est point humide quand les nuits sont froides. Mais la surface intérieure du toit de verre est à ce moment couverte d’une abondante buée qui, par un système aujourd’hui généralement adopté, se déverse à l’extérieur. C’est une véritable pluie, d’autant plus abondante que la nuit est plus froide. Grâce à cette buée, grâce à la chaleur qu’elle abandonne, le froid est conjuré et l’air se dessèche. Ce qui se fait dans les couches et dans les serres ainsi construites se produit en grand dans la campagne pendant les nuits claires. Chaque gramme de rosée qui se dépose restitue 600 calories empruntées naguère au soleil ; cela suffit pour réchauffer de 1 degré 2 mètres cubes d’air, et si l’on multiplie dans la pensée ce résultat par le poids total de rosée que reçoit une prairie, on aura l’idée du rôle considérable que joue ce phénomène, rôle dont l’efficacité semble diminuer quand le danger augmente. En effet, quand l’air est humide, le rayonnement est faible, la rosée abondante, et le froid est entièrement conjuré. Si le temps est clair et sec, la rosée vient tard, le mal est grand, le remède est faible, et, bien que la progression du froid se ralentisse, elle se continue toute la nuit, et souvent la gelée survient. Dans ce cas, la théorie nous indique que le meilleur moyen pour l’empêcher serait de répandre de la vapeur d’eau dans l’atmosphère, à l’aide de chaudières placées dans le voisinage des arbres exposés. On a récemment essayé ce remède avec un succès complet.

En résumé, c’est par la rosée que la terre se défend contre les envahissemens du froid ; c’est par ce phénomène bienfaisant que les plantes se sauvent de la gelée en reprenant à l’air la vapeur qu’elles y avaient mise en réserve et la chaleur qui s’y était cachée ; puis, quand le soleil reparaîtra au matin suivant, son premier effet, j’allais dire son premier soin, sera de ramener la rosée à l’état gazeux, de refaire la provision de chaleur qui s’est dissipée, afin que la nuit suivante elle puisse recommencer ses bons offices ; tout semble obéir aux lois mystérieuses d’une harmonie préméditée.


J. JAMIN.