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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/363

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— pour me servir d’un terme un peu ambitieux, — a proclamé cette nécessité ; mais malheureusement, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, il n’a pas été tenu dans la pratique grand compte de ses conclusions. Des quartiers de jeunes adultes avaient été organisés, il y a un certain nombre d’années, dans quelques-unes de nos maisons centrales ; mais les entrepreneurs, que ces quartiers gênaient dans l’organisation de leurs ateliers, en ont obtenu la fermeture, et une circulaire ministérielle de 1860 blâmait avec raison les directeurs de ces maisons d’avoir ainsi laissé passer les intérêts du travail avant ceux de la moralité générale. Un pénitencier spécial pour les jeunes détenus avait été ouvert en Corse, à Castelluccio. Il n’a pas été maintenu, et les désordres qui s’y étaient produits ne permettent pas de le regretter. En même temps l’utilité de ces quartiers de jeunes adultes a été contestée par les praticiens, au dire desquels la corruption mutuelle ne ferait pas moins de ravages parmi les jeunes gens que parmi les détenus plus âgés. De toutes ces circonstances il est résulté que ces quartiers sont tombés, en théorie comme en fait, dans une grande défaveur et ont presque complètement disparu de nos maisons centrales. Sans méconnaître la valeur de quelques-unes des objections que cette institution soulève, je ne saurais cependant m’empêcher de regretter une désorganisation aussi complète. Il est impossible en effet de voir sur les bancs d’une maison centrale un jeune homme à la figure presque enfantine assis entre deux vieux réprouvés sans ressentir une de ces impressions douloureuses et vives qui, pour déterminer une conviction, valent bien des raisonnemens. D’ailleurs tout ce qui, dans cet immense troupeau des détenus de nos maisons centrales, dont quelques-unes contiennent de quinze cents à deux mille individus, établit une séparation, une division quelconque, tout cela est autant de gagné sur les dangers de la promiscuité. Dans le quartier des jeunes adultes se concentreront les efforts du directeur, s’il a quelque souci moral des détenus qui lui sont confiés, en tout cas de l’aumônier, peut-être de quelques visiteurs charitables du dehors, qui prendront intérêt à ces jeunes gens, et tous ces efforts réunis parviendront à sauver quelques âmes qui, dans la foule des dortoirs et des préaux communs, auraient été oubliées et perdues sans ressource. D’ailleurs l’absence de ces quartiers entraîné avec elle des inconvéniens assez graves. C’est ainsi que les scènes d’assassinat, qui ont ensanglanté naguère la maison centrale de Melun, ont été occasionnées par une jalousie monstrueuse que des personnes, bien placées pour en juger, attribuent au mélange des jeunes adultes avec la population plus âgée de la maison. Quoi qu’il en soit, la maison centrale de Poissy est la