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sur lesquelles votre volonté n’a point eu de prise en arrive à pervertir à ce point les instincts de votre nature ! Est-il possible que le hasard d’être né dans telle famille, peut-être même dans telle rue plutôt que dans telle autre, vous condamne en quelque sorte fatalement à la misère et au crime ! Mais, si la société ne peut rien à l’origine contre ces inégalités redoutables qui sont la loi mystérieuse du monde, remplit-elle du moins tout son devoir vis-à-vis de ceux qui en ont été les victimes, et aux maux qu’elle n’a pu prévenir s’efforce-t-elle du moins de porter un remède ? Je me le suis souvent demandé, et surtout lorsque, moins fatigué de corps que d’âme, je revenais de ces excursions nocturnes à l’heure où, sous la lumière blafarde du jour naissant, le Paris qui travaille se croise avec le Paris qui s’amuse et les ouvriers qui se rendent à leurs chantiers avec les voitures qui ramènent les femmes du bal. La série de ces tristes études a eu en partie pour but de répondre à cette préoccupation. J’ai montré dans les dernières l’insuffisance des mesures adoptées pour prévenir l’extension du crime par le vagabondage. Celle-ci a pour objet de rechercher si dans la répression nécessaire de la criminalité on est suffisamment préoccupé d’assurer l’efficacité morale de cette répression.


II

Le code pénal n’accorde, ainsi que je l’ai dit, aux délinquans qui ont dépassé l’âge de seize ans le bénéfice d’aucune atténuation de pénalité. A partir de seize ans, un mineur peut encourir les mêmes châtimens qu’un majeur, la mort comprise, et il n’a plus à compter que sur l’indulgence, à vrai dire presque toujours assurée, de ses juges. Il est impossible cependant de ne pas relever la contradiction que présentent les dispositions de la loi civile, protégeant le mineur par une présomption absolue d’incapacité jusqu’à l’âge de vingt ans, et celles de la loi pénale supposant chez lui la plénitude du discernement à partir de seize ans. Plus rationnelles sont assurément les dispositions du nouveau projet de code pénal italien, qui divise la minorité en cinq périodes distinctes et qui mesure ainsi avec exactitude la responsabilité à l’âge. Je comprends cependant qu’en présence du développement de la criminalité juvénile et de la nécessité de lutter contre ce développement, ceux qui sont le plus portés à l’indulgence vis-à-vis de la jeunesse hésitent à proposer cet affaiblissement de la répression. Mais au moins est-il nécessaire que dans la pratique ces délinquans, auxquels la langue administrative donne le nom de jeunes adultes, soient l’objet d’un traitement spécial. Il y a longtemps que la science pénitentiaire,