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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/369

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instruction peut même y être poussée assez loin, car presque tous arrivent dans la maison sachant déjà lire, écrire et un peu compter. Lors de ma dernière visite, il n’y avait que deux illettrés, nouvelle preuve, soit dit en passant, du peu d’influence directe de l’instruction sur la criminalité. Le dimanche, pour les aider à passer cette longue journée oisive, on leur donne quelques élémens d’instruction militaire, enseignement très utile pour ceux d’entre eux qui ne sont pas, ainsi qu’on le disait autrefois en France lorsqu’on avait le sens plus militaire, « privés de l’honneur de servir sous les drapeaux. » Enfin, détail qui n’est pas à dédaigner, une industrie dont l’apprentissage est facile, le claquage des chaussons, permet à chacun d’entre eux de se faire, en douze ou treize mois, un pécule qui peut varier de 100 à 150 francs, et qui à sa libération le préservera de tomber sur-le-champ dans la misère et par suite dans le crime, en lui donnant le temps de chercher de l’ouvrage. Chaque jeune adulte peut donc, sans avoir à faire des prodiges de vertu, sortir du quartier de la maison de Poissy amendé, instruit, et dans une condition relativement favorable pour gagner sa vie.

Quels sont cependant, au point de vue moral, les résultats de ce régime ? Il ne faut point se faire d’illusion, et l’on doit reconnaître que ces résultats sont à peu près nuls. Sans doute, grâce à cette surveillance plus attentive, à ces soins plus constans, tel ou tel détenu qui, dans le Grand-Quartier, se serait enfoncé de plus en plus avant dans la corruption, pourra être préservé et même ramené au bien, des progrès individuels peuvent être et sont obtenus, mais en trop petit nombre pour exercer une influence appréciable sur les tableaux statistiques. Si l’on dressait un relevé spécial des infractions commises après leur sortie par les jeunes adultes du. quartier de Poissy, on serait amené probablement à constater que le nombre des récidivistes n’est pas moindre parmi eux que parmi les détenus plus âgés de la maison. Disons tout de suite que l’expérience est tentée dans des conditions exceptionnellement défavorables. Cette population des jeunes adultes de Poissy est composée presque exclusivement de Parisiens, J’ai fait voir au début de cette étude de quelle vie la plupart ont vécu. Presque tous ont subi à plusieurs reprises une détention plus ou moins longue dans les prisons de la Seine, « véritable cloaque de corruption, » me disait un directeur de maison centrale entre les mains de qui ont passé beaucoup de libérés de ces prisons. Ils apportent dans la maison centrale, avec l’endurcissement de vieux criminels, toute la légèreté du jeune âge et (qu’on me pardonne l’expression) toute la blague parisienne. Les reproches qu’on leur adresse sont accueillis avec insouciance, les exhortations avec un sourire ; à peine sont-ils sensibles aux