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qui ne sont que des dénominations arbitraires, et au lieu d’engouffrer sans discernement dans les maisons centrales des centaines et des centaines de détenus, il faudra établir entre eux des classifications rationnelles sur les trois bases de l’âge, des antécédens et de la nature de l’infraction commise. Les quartiers de jeunes adultes seront une des pierres angulaires de ce système ; c’est dire qu’au lieu de détruire le seul qui existe, il faut plutôt se préoccuper d’en ouvrir d’autres dans des conditions plus favorables au succès.


III

Si ce sont les jeunes gens de seize à vingt ans qui offrent les exemples les plus fréquens d’une corruption précoce, il faudrait cependant se garder de croire que de pareils exemples ne se rencontrent pas, bien que plus rarement, chez des enfans au-dessous de cet âge. Il n’y avait pas à la date de la dernière statistique dans les colonies de jeunes détenus moins de neuf cent quatre-vingt-seize enfans qui s’étaient rendus coupables d’assassinats, d’incendies, de fausse monnaie ou de vols avec des circonstances aggravantes. Chez d’autres la perversité se traduit par la ruse, l’adresse, l’obstination déployées dans les petits vols ou dans d’autres délits, par l’invincible horreur de la maison paternelle. Pour combattre ces mauvais instincts déjà déclarés, il faut une éducation où une certaine part de sévérité s’allie à une surveillance exacte. C’est ce qu’on nomme dans la langue pénitentiaire d’un nom très bien trouvé : l’éducation correctionnelle. Quels principes doivent présider à cette éducation et comment est-elle distribuée en fait aux enfans de Paris ? Tel sera l’objet de la dernière partie de cette étude.

Le département de la Seine possède une prison spéciale pour les détenus âgés de moins de seize ans, qui est connue sous le nom de maison de la Petite-Roquette. La Petite-Roquette est située en face de la Grande. C’est dans l’espace qui demeure libre entre les deux prisons qu’ont lieu depuis bien longtemps les exécutions. Qui sait si en gravissant les marches de l’instrument de supplice que le peuple, dans sa langue trivialement expressive, appelait autrefois[1] l’abbaye de Monte-à-regret, plus d’un criminel n’a pas contemplé, dans cette minute suprême, l’asile où s’est écoulée une partie de son enfance, et ne s’est pas rappelé, par un éclair de la pensée, quelques-unes des inutiles leçons qu’il y avait reçues ? La maison de la Petite-Roquette a son histoire, aux vicissitudes de laquelle la

  1. Depuis que l’échafaud est dressé au niveau du sol, sur cinq pierres disposées en losange sur le pavé, ce nom a été changé, dans l’argot des prisons, contre celui d’abbaye de Saint-Pierre.