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politique n’est pas étrangère. Cette maison avait été construite dans les premières années du gouvernement de juillet pour servir de prison de femmes et installée d’après les principes du système auburnien, c’est-à-dire l’isolement pendant la nuit et le travail en commun pendant le jour. Mais lorsque la prison fut construite, le préfet de police, M. Gabriel Delessert, eut la pensée d’y installer une maison d’éducation correctionnelle pour les jeunes détenus et de faire sur les enfans de Paris l’expérimentation du régime cellulaire. M. Gabriel Delessert était un homme de cœur et de haute intelligence, qui a beaucoup contribué à établir dans l’administration de la police parisienne les habitudes d’humanité et de philanthropie ingénieuse, qu’on ne répudiera point, je l’espère, en même temps qu’on admet à-une retraite prématurée le fonctionnaire qui en avait conservé la tradition ; il s’intéressait beaucoup à une œuvre qui était sa création, et il avait pris toutes les mesures nécessaires pour en assurer le succès : adoption d’un régime alimentaire très substantiel, introduction dans la prison d’un personnel d’élite, établissement de procédés d’éducation intellectuelle et industrielle très perfectionnés. En même temps, ses visites fréquentes et celles du ministre de l’intérieur, M. Duchâtel, assuraient la stricte exécution des mesures prescrites et stimulaient le zèle des employés. Un premier coup fut donné à la maison de la Petite-Roquette par la révolution de 1848, qui enleva M. Delessert à, la préfecture de police ; un second par la loi de 1850 sur les jeunes détenus, qui prescrivait leur éducation en commun dans des colonies agricoles, lorsque leur détention devait durer plus de six, mois. Depuis cette loi, la maison ; de la Petite-Roquette ne vivait plus que d’une vie précaire, victime des contestations financières qui s’étaient élevées entre le département de la Seine et l’état au sujet des dépenses de son entretien, voyant le chiffre et la composition de son effectif varier avec les incertitudes de la jurisprudence administrative, privée enfin, pour raison d’économie, de ce régime alimentaire défaveur et de ces procédés d’éducation perfectionnée que. M. Delessert y avait fait introduire. Elle languissait dans cet état de désorganisation assez fâcheux, lorsqu’elle fut visitée par un jeune magistrat, M. Corne, qui a été tristement enlevé depuis par une mort prématurée. M. Corne, vivement frappé d’un état de choses qui lui parut être le fruit de la négligence administrative et de la violation de la loi, traduisit son émotion dans une petite brochure, qui eut un assez grand retentissement. L’opposition s’empara de l’affaire, et M. Jules Simon porta la question devant le corps législatif, dans un discours ému, éloquent, mais peut-être empreint d’une certaine exagération, où il décrivait la barbarie du traitement auquel les jeunes détenus étaient soumis,