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suivant lui, à la Petite-Roquette. Le gouvernement, dont la responsabilité ne laissait pas d’être assez gravement engagée, ne voulut pas à son tour que l’opposition conservât le bénéfice de cette agitation philanthropique.

Deux jours après le discours de M. Jules Simon, l’impératrice, dont il était d’ailleurs facile d’émouvoir la compassion en faveur de toutes les infortunes, fit à la Petite-Roquette une visite dont le Moniteur rendit compte dans les demies suivans : « Sa Majesté est entrée dans près de cinquante cellules, interrogeant chacun des prisonniers sur son âge, sur sa situation de famille, sur ses antécédens, sur le régime de la prison. La bonté avec laquelle Sa Majesté s’informait du moindre détail de leur vie et de leurs fautes a causé aux enfans une si profonde impression que tous fondaient en larmes, au moment où la souveraine, qui avait voulu ainsi descendre jusqu’au fond de leur prison, les quittait en laissant après elle la consolation et l’espoir. Plus d’un devra sans doute à cette auguste visite le retour au bien ; plus d’un en a pris l’engagement. Sa Majesté elle-même ne cachait point sa profonde émotion, et les témoins de cette scène touchante ne pouvaient se défendre de partager l’émotion générale. » Très sincère était sans doute l’émotion (plus sincère peut-être que les larmes versées et les engagemens pris devant elle) que devait ressentir le cœur de la femme et de la mère au spectacle de misères auxquelles les yeux de la souveraine n’étaient point accoutumés. Ce fut sous le coup de cette émotion que l’impératrice accepta la présidence d’une commission qui devait s’enquérir des avantages ou des inconvéniens du système suivi à la Petite-Roquette, avec le propos délibéré d’en faire prononcer la suppression. Néanmoins dans la commission la controverse fut vive ; tout le monde était d’accord pour blâmer l’état de désorganisation où la négligence administrative avait laissé tomber la maison de la Petite-Roquette ; mais le système de l’éducation cellulaire appliquée aux enfans n’en conserva pas moins de chaleureux défenseurs. Dans un vote final, les voix se partagèrent également, et ce fut la voix de l’impératrice présidente, considérée comme prépondérante, qui détermina la suppression de la Petite-Roquette comme maison d’éducation correctionnelle ainsi que l’adoption d’un rapport peu impartial où M. Mathieu, député au corps législatif, à côté de critiques fondées, jetait, à l’aide de comparaisons inexactement établies, une injuste défaveur sur les résultats obtenus par l’éducation cellulaire. A la suite de ce vote et de ce rapport, inséré au Moniteur, la fermeture de la maison d’éducation correctionnelle de la Petite-Roquette fut prononcée et l’effectif de cette maison réparti entre les différentes colonies agricoles.