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inconvéniens de la loi de 1850. Votée au lendemain de troubles qui avaient profondément remué la société, cette loi s’est ressentie de la réaction contre l’influence des Villes, qui s’empare toujours de l’esprit public au lendemain des révolutions. L’espérance de transformer les petits vagabonds et les petits voleurs des grandes villes en paisibles habitans des campagnes avait fait décider que tous les enfans détenus dans les colonies correctionnelles seraient appliqués au travail agricole, qu’ils fussent originaires des villes ou des campagnes. Le but poursuivi était assurément des plus légitimes ; par malheur, il était impossible à atteindre. Les auteurs de la loi de 1850 ne se sont pas en effet rendu compte de l’influence que l’éducation première, les souvenirs, les regrets de l’enfance exercent sur ces jeunes imaginations. Quoi qu’on fasse et à quelques rares exceptions près, l’enfant né dans la ville tend toujours à revenir à la ville, et cela est vrai surtout du petit Parisien, auquel le ruisseau de la rue du Bac n’est pas moins cher qu’il ne l’était à Mme de Staël. Aucun sujet n’est moins propre à devenir un vigneron ou un valet de charrue que cet être chétif auquel les rudes travaux de la culture imposent des fatigues souvent au-dessus de ses forces, et qui dédaigne ces travaux comme indignes de lui. Pendant qu’on lui fait bêcher la terre ou pousser les bœufs, son imagination se reporte vers ces boutiques où tant de merveilles s’étalaient devant ses yeux, vers ces théâtres à la porte desquels il a souvent stationné, vers ces promenades où retentissaient de si joyeux concerts. Rendu à la liberté, le premier usage qu’il fera de ses ailes sera de s’envoler vers ce séjour envié dont il a oublié les misères pour ne se rappeler que les jouissances. D’ailleurs un autre instinct non moins puissant l’y rappellera : celui de la famille. Sans doute, la famille est misérable : parfois elle a été dure, souvent elle est corrompue ; mais c’est la famille, après tout, et à moins d’offrir à l’enfant une autre protection et un autre gîte, comment l’empêcher d’y retourner ? Qui oserait même, sauf dans certains cas où la perversité exceptionnelle des parens fait aux protecteurs de l’enfant un devoir d’entrer en lutte ouverte avec eux, qui donc oserait détourner l’enfant de porter le secours de ses bras à un père âgé ou à une mère veuve ?

Moins avisés que nos voisins les Belges, qui depuis longtemps donnent dans la colonie de Saint-Hubert une éducation agricole aux enfans d’origine rurale, et dans la maison de Namur une éducation industrielle aux enfans d’origine urbaine, les auteurs de la loi de 1850 ont donc entrepris une lutte contre la nature des choses, et dans cette lutte ils ont succombé. L’expérience a démontré que le plus grand nombre des petits Parisiens élevés dans les colonies agricoles abandonnaient l’agriculture et s’en retournaient à