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Paris, où, faute d’un apprentissage industriel, ils étaient singulièrement inhabiles à gagner leur vie. Aussi la modification de la loi de 1850 dans le sens d’une plus grande latitude laissée aux fondateurs de colonies pour le choix des travaux imposés aux enfans est-elle un des points sur lesquels tout le monde est d’accord, et il n’y a plus qu’à faire passer cette modification dans la loi. Déjà elle est en partie réalisée dans la pratique. Dans quelques-unes des colonies privées où l’on reçoit des petits Parisiens, aux Douaires, à Mettray, au Val-d’Hyèvre, on a senti la nécessité d’introduire des industries qui s’exercent ordinairement dans les villes : serrurier, ciseleur, etc.. La colonie de Moiselles est même exclusivement industrielle, ainsi que celle de Courcelles, où l’on apprend aux enfans à fabriquer des couteaux, industrie peut-être un peu trop spéciale. Mais ce n’est là qu’un palliatif aux imperfections, révélées par l’expérience, de la loi de 1850, et il est de toute nécessité que la loi actuellement en préparation reconnaisse l’existence légale des colonies industrielles aussi bien que des colonies agricoles.

Bien qu’elle ne figure pas dans les tableaux statistiques au nombre des maisons d’éducation correctionnelle, la Petite-Roquette conserve encore sa raison d’être légale et son utilité pratique comme maison d’arrêt départementale exclusivement affectée aux jeunes détenus. Aux termes de la loi de 1850, les jeunes détenus qui sont en état de prévention et ceux qui sont condamnés à six mois de prison ou au-dessous doivent être retenus dans les maisons d’arrêt départementales. A Paris, la Petite-Roquette sert à l’application de ces dispositions de la loi, et il faut s’en féliciter. Pour les condamnations à de courtes peines, que les magistrats n’ont encore que trop de tendance à prononcer, malgré leur peu d’efficacité, on ne saurait imaginer pour les enfans de système préférable à celui de l’emprisonnement cellulaire. Lorsque la durée de l’emprisonnement est trop restreinte pour qu’une éducation véritable puisse être tentée, la seule espérance de moralisation est qu’une brusque secousse fasse rentrer l’enfant en lui-même en l’arrachant du même coup à ses mauvaises habitudes et à ses camaraderies corruptrices. La solitude complète, interrompue seulement par les visites du directeur, de l’aumônier et de l’instituteur, détermine aisément cette secousse chez une nature jeune.

Quant aux prévenus, bien que la séparation individuelle présente aussi pour eux des avantages, peut-être pourrait-on chercher un système meilleur encore, et pour cela il n’y aurait qu’à jeter les yeux pas bien loin de Paris. Tous ceux qui ont suivi à Versailles les séances de l’assemblée nationale peuvent se rappeler la quantité considérable de petits mendians qui, échelonnés depuis la gare