réservé aux vaisseaux de guerre. Sa ressemblance avec une large coupe avait fait donner à ce dernier le nom de Cothon. Deux cent vingt navires trouvaient à se loger dans les docks séparés qui entouraient ce port militaire et dont l’entrée respective était marquée par deux colonnes ioniques en marbre, ce qui devait former une imposante colonnade. Le milieu de ce port intérieur était occupé par une île qui servait de quartier à l’amiral commandant en chef. De là, ce haut fonctionnaire pouvait surveiller tous les mouvemens des deux ports et même, vu le peu d’élévation de la côte, tout ce qui se passait en rade. Il convient d’ajouter que le port marchand n’était lui-même qu’un appoint au lac de Tunis. Ce lac servait en réalité de havre aux centaines de navires qui, du temps de la prospérité de Carthage, venaient jeter l’ancre dans ses eaux paisibles. On reconnaît encore aujourd’hui à des traces indubitables l’emplacement des deux ports contigus, qui, d’après les observations de M. Beulé, embrassaient une superficie de plus de 22 hectares. Tout auprès, sur une éminence de médiocre hauteur, s’élevait la Byrsa, forme grecque du mot sémitique Bozra ou Bostra, c’est-à-dire la citadelle, et le quartier aristocratique adhérent. Au pied, autour des ports, était la ville basse et marchande. Au nord et à l’ouest s’étendaient les quartiers désignés sous le nom collectif de Megara, en hébreu Magurim, les faubourgs. Le tout décrivait une circonférence de près de huit lieues. Le Bagradas, aujourd’hui la Medjerda, se jetait au nord de la ville dans le golfe de Tunis, après avoir arrosé une région dont les anciens auteurs vantent la végétation luxuriante. Mais de nos jours, détourné par les amas de son propre limon et du sable de la mer, ce fleuve a reporté son embouchure bien plus au nord, tout près d’Utique, et le rivage s’est beaucoup avancé.
Carthage, favorisée par une situation qui lui assurait un excellent et vaste ancrage, dut grandir vite et ne tarda pas à devenir la plus importante des factoreries phéniciennes. On ne voit pas qu’il ait été jamais question d’une lutte quelconque pour l’indépendance avec la mère patrie. On dirait plutôt qu’il n’y eut jamais de lien de sujétion. Les relations commerciales suffisaient aux bons rapports, qui demeurèrent constans. Une sorte de piété filiale distingua même toujours les sentimens de la jeune ville à l’égard de la vieille mère. On envoyait des théories solennelles aux sanctuaires phéniciens. Lorsque Tyr fut prise et détruite par Alexandre, beaucoup de familles tyriennes se transportèrent à Carthage et y furent bien accueillies. Ce même sentiment de respect pour les cités-mères valut à Utique, plus ancienne que Carthage et d’abord sa suzeraine, de ne pas être soumise au tribut imposé plus tard à toutes les