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le nom de M. Dufaure, un ministère qui a donné au pays l’éclat de l’exposition, une paix intérieure complète, une liberté sans trouble, et les élections sénatoriales sont encore une fois le prix d’une année de sage gouvernement : de sorte, on le remarquera, que les manifestations successives du pays apparaissent comme la sanction ou le couronnement des idées de modération dans la république. Eh bien, ce n’est pas seulement de l’histoire, la question du jour est là tout entière : il s’agit de décider si on s’en tiendra à une politique éprouvée, qui a valu de tels succès, qui est toujours représentée au pouvoir par un ministère sensé et honorable, ou s’il n’y aura rien de plus pressé que de renouer des traditions agitatrices, de déchaîner les ambitions de partis et de préparer, par l’excès des prétentions, d’inévitables crises de gouvernement.

Oui, ce qui fait justement la gravité de la situation au sein même de la victoire la plus éclatante et ce qui peut préparer quelques-unes de ces difficultés dont parlait M. Gambetta, c’est que malgré tout, malgré les lumières d’un passé si récent, il y a toujours, il y a plus que jamais peut-être deux politiques en présence. S’il y a une politique qui a conduit heureusement jusqu’ici les affaires du pays et de la république, qui a réussi par la modération, qui a pour elle l’expérience, il y en a une autre qui a ses idées, ses ambitions, ses ressentimens, ses passions exclusives et dominatrices, ses fanatismes mal réprimés. Il y a la politique des impatiens qui ne s’inquiètent ni du lendemain ni de la veille, qui ne recherchent ni comment une situation s’est fondée, ni comment elle peut être compromise, qui ne voient dans un vote que ce qui flatte leurs préjugés, et qui du haut de leur infaillibilité trouvent peut-être déjà que M. Dufaure a ses faiblesses ! Ces impatiens ne manquent pas, ils ont été quelque peu surexcités par les élections ; ils se sont montrés assez naïvement dans toutes ces réunions de groupes et de fractions de groupes, de comités et de sous-comités, de délégués et de sous-délégués, qui sont allés en procession chez M. le président du conseil et qui ont organisé une sorte d’agitation préliminaire, comme pour peser sur les prochains débats des chambres. Les uns proposaient la rédaction d’un programme qu’on irait porter solennellement, c’est-à-dire imposer au ministère ; les autres demandaient que le ministère, qui a aussi son programme, vînt le communiquer aux comités et le débattre avec eux. Il y a eu une petite effervescence de quelques jours dans ce monde des réunions où s’essaient parfois les orateurs arrivant de leur province ou aspirant à devenir chefs de groupes.

Ces politiques impatiens de comités ont oublié qu’ils n’étaient pas tout, qu’ils n’étaient ni la majorité ni la chambre, qu’ils avaient de plus à compter avec ce sénat renouvelé, qui n’a eu encore ni le temps ni l’occasion de manifester ses opinions. Ils n’ont pas vu qu’ils se livraient à des discussions inutiles ou périlleuses, que ce qu’ils