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proposaient était une subversion complète du régime parlementaire, et qu’en ayant l’air de ne pas attaquer le ministère ils voulaient tout simplement le réduire au rôle d’un délégué de comités souverains et omnipotens devançant le jugement public des chambres. Ils n’ont pas remarqué enfin que, pour demander un changement presque radical de politique et pour rendre la vie difficile au cabinet, ils prenaient assez mal leur temps : ils choisissaient le moment où la politique modérée vient d’être ratifiée dans ses principes essentiels par le pays et où le gouvernement a montré son heureuse influence dans les élections, de sorte que le ministère se trouverait menacé ou affaibli par ces velléités de prépotence au lendemain d’une victoire qui est son œuvre, qui est surtout le prix de sa bonne conduite depuis un an ! Ce serait une anomalie par trop étrange.

Le ministère évidemment n’a pas la moindre intention de décliner la responsabilité devant les chambres, de se dérober aux conditions viriles du régime parlementaire. Il est le premier à savoir que sa raison d’être et sa force sont dans un accord permanent avec la majorité publiquement manifestée. Il n’a pas besoin qu’on lui rappelle la loi souveraine des régimes constitutionnels ; mais il n’était pas tenu de perdre son temps dans toute sorte de conciliabules, d’aller traiter avec des comités ou des sous-comités, de demander ou d’accepter leurs mots d’ordre et leurs programmes. Il se devait à lui-même, il devait à l’autorité du gouvernement qu’il représente de ne pas se prêter à des négociations sans issue et à des transactions sans profit. Il se compose d’hommes assez sérieux et assez expérimentés pour avoir le droit de garder leur indépendance et leur initiative pour jouer utilement leur rôle dans le parlement comme dans le conseil. Si, dans cette ère nouvelle ouverte par le dernier scrutin, le cabinet a senti la nécessité de se modifier partiellement, il a accepté cette obligation ; il n’a point reculé devant une séparation qui ne pouvait d’ailleurs avoir aucun motif personnel, et qui est accomplie désormais par la démission de M. le ministre de la guerre. C’est le seul changement prévu depuis quoique temps et réalisé aujourd’hui par l’élévation de M. le général Gresley au ministère de la guerre à la place de M. le général Borel, qui va prendre le commandement d’un corps d’armée à Rouen. Pour le reste, qu’on ne s’y trompe pas, toute brèche, toute fissure dans le cabinet serait le commencement d’une dissolution complète et définitive ; les remaniemens, les essais de reconstitution ne seraient que des expédiens sans efficacité et sans durée.

Ce que le ministère a de mieux à faire au moment présent, c’est de ne pas se laisser atteindre par des divisions intestines, de tout subordonner à la considération supérieure d’une solidarité nécessaire, de marcher résolument d’un même pas et d’aller devant les chambres avec l’autorité que donne une année d’administration sensée, avec la