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LE MONDAIN
DANS LA POLITIQUE ET DANS L'EGLISE
AU XVIIIe SIECLE

LE CARDINAL DE BERNIS

Mémoires et lettres de François-Joachim de Pierre, cardinal de Bernis, publiée d’après les manuscrits inédits par M. Frédéric Masson, bibliothécaire du ministère des affaires étrangères. — 2 vol. in-8o, Paris, 1878, Plon.

Le moment le plus brillant du XVIIIe siècle est l’année de Fontenoy. C’est presque, à un siècle d’intervalle, l’anniversaire de Rocroy ; mais Rocroy est le couronnement de la politique triomphante du grand cardinal, l’inauguration, le Marengo d’un règne promis à toutes les splendeurs. Fontenoy n’est qu’un éclair, un dernier sourire de la vieille gloire militaire, presque un accident heureux dans cette carrière qui s’ouvre par la régence, passe à travers les corruptions raffinées de Louis XV, pour finir par la plus sanglante des tragédies. Le XVIIIe siècle n’est plus l’âge des grandes choses et des grands hommes, ni dans la politique, ni dans la guerre.

Tout est changé ! La guerre a des Richelieu, des Soubise, et Condé s’appelle Clermont. La politique, à ses meilleurs momens, a un cardinal de Fleury, cette utilité décente du commencement du règne, ce tuteur débonnaire d’une minorité prolongée, puis, plus tard, un duc de Choiseul qui n’est qu’une ombre de grand ministre, — et entre les deux une femme élégante et vaine, Mme de Pompadour, joue avec la fortune de la France sous le nom de celui que d’Argenson appelle le « roi Morphée. » Mme de Pompadour est la vraie reine de ce monde de 1750-1760 ; Louis XV n’est qu’un maître amolli, enchaîné par les séductions, qui se console de sa servitude ennuyée par des cachotteries, par les manèges du secret.