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expriment ce sentiment, et à peu près dans les mêmes termes : « J’aime tant les enfans ! » Quelques-unes le développent d’une manière agréable et touchante : « J’aime beaucoup les enfans, et il me semble que je puis m’en faire aimer. » — « J’aime les enfans, et rien ne m’intéressera plus que de voir leur intelligence se développer petit à petit. » Une jeune fille de quinze ans, ayant déjà son brevet de sous-maîtresse, nous dit : « Quand je vois ces jolis petits bébés me sourire et m’embrasser à mon entrée en classe, je suis tout heureuse d’avoir choisi cet état. » Ou encore : « Lorsqu’ayant des centaines d’enfans autour de moi, je pourrai dire : C’est moi qui suis la cause de leur progrès, je serai la plus heureuse de tous et de toutes. » Une autre nous dit : « Des fenêtres du dortoir de l’orphelinat où j’ai été recueillie, j’aperçois beaucoup de petits enfans, et j’aimerais bien à les instruire ; mais mon père n’aura jamais le moyen de payer mes cours. » Après l’amour des enfans, le sentiment le plus général est l’amour de l’enseignement lui-même, pour ce qu’il a de noble et d’élevé : « Instruire les enfans de ce qu’on a appris soi-même, leur frayer la route dans la vie, n’est-ce pas là un beau et utile métier ? » — « On doit éprouver un grand bonheur à enseigner aux autres ce qu’on a eu tant de peine à apprendre soi-même. » Les unes y mêlent les idées religieuses : « Je veux enseigner aux enfans l’amour de Dieu ; » les autres les idées humanitaires : « C’est une grande gloire d’instruire le peuple ; » d’autres les idées patriotiques : « Ce n’est pas seulement en combattant que l’on sert son pays ; c’est encore en instruisant les enfans (née à Metz). » D’autres sont attirées par le goût de l’étude elle-même : « Apprendre, toujours apprendre davantage, voilà mon désir ; » ou encore par la charité : « Je voudrais surtout aider les pauvres enfans, que leurs mères n’envoient pas à l’école. » Il en est qui ont des idées plus positives : celle-ci veut être institutrice « parce qu’on a une retraite, qu’on a fini son travail à quatre heures et qu’on a congé le jeudi. » D’autres au contraire se reprochent naïvement les rêves exagérés de leur imagination : une enfant de douze ans écrit : « Pendant un certain temps je rêvais des grandeurs incompréhensibles ; j’étais orgueilleuse ; puis je voulus simplement être ménagère ; aujourd’hui je désire être placée en qualité d’institutrice, car par vos questions vous avez réveillé en moi les sentimens nobles. » Ne croyez pas avoir affaire à une imagination romantique et exaltée ; non, car la même enfant, interrogée sur ses études de prédilection, répond simplement : « L’histoire sainte. C’est là que j’ai appris à aimer Dieu. » On voit ici une piété douce unie à un éclair d’enthousiasme.

À la vocation d’institutrice se rattache naturellement celle de sœur de charité. Celle-ci est plus rare ; mais on voit que c’est une voca-