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L’ÎLE DE CYPRE.

convention ; mais M. de Cesnola n’en reprit pas moins les fouilles pour son propre compte, à ses risques et périls ; il avait maintenant à ses ordres le capital nécessaire. Nous n’insisterons pas sur cette seconde campagne qui dura trois années, de 1873 à 1876. Nous en avons assez dit pour donner une idée de la manière, dont les travaux étaient conduits, des difficultés que rencontrait l’explorateur, de l’adresse et de la résolution avec laquelle il en triomphait. Sans être stériles, les recherches entreprises sur les sites de Salamine et de Soli, d’Amathonte, de l’ancienne et de la nouvelle Paphos, ne donnèrent que des résultats d’une importance secondaire ; elles eurent bientôt procuré de nouvelles suites de vases et de terres cuites, de curieux fragmens de sculptures en pierre, des sarcophages historiés, des coupes en métal, des bijoux, des inscriptions grecques, cypriotes et phéniciennes ; mais tous ces monumens avaient leurs analogues parmi ceux qui avaient été déjà découverts, et aucun d’eux n’avait la valeur et l’intérêt des statues de Golgos. C’était pourtant par un coup d’éclat que M. de Cesnola devait terminer sa carrière si brillamment commencée. En 1874, la découverte du trésor de Curium, comme on l’appela, mit en émoi tout le monde savante Cette découverte a quelque chose de si particulier et de si étrange qu’il convient de s’y arrêter un instant, de donner quelque idée des circonstances où elle se produisit, de la richesse et de la variété des objets qu’elle fit soudain reparaître au jour. Jamais peut-être explorateur n’a été aussi merveilleusement servi par la fortune et n’a mieux mis ses faveurs à profit[1].

La ville de Curium, fondée par les Argiens, occupait le sommet d’un rocher qui se dresse, sur la côte méridionale, à près de 100 mètres au-dessus, de la mer. L’étroit plateau qui surmonte cette éminence est couvert d’une couche épaisse de tessons et de fragmens de tuiles, de débris de sculpture et d’architecture ; d’innombrables tombes ont été creusées dans la plaine voisine et dans les flancs du roc même qui portait la cité. Sur le plateau, des centaines de petits tertres indiquent l’emplacement des anciennes maisons, des tertres un peu plus élevés, celui des temples et des édifices publics. Sur un de ces tertres se trouvaient, à demi enterrés, plusieurs fûts de granit ; désirant en prendre les dimensions, M. de Cesnola les fit dégager, et rencontra ainsi un pavé de mosaïque. Il eut la curiosité de voir s’il y avait quelque chose sous ce pavé, et fut fort surpris de reconnaître qu’un autre explorateur avait creusé sous cette mosaïque jusqu’à la profondeur de 2 mètres environ ; différens indices l’avertissaient que cette fouille n’était

  1. Cyprus, ch. XI. On fera bien de lire aussi avec le plus grand soin l’appendice spécial dans lequel M. C. W. King, de Trinity college, à Cambridge, a décrit toutes les pierres gravées que contenait le trésor de Curium.