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pas récente, mais remontait peut-être à l’antiquité même. Il commença donc à se demander quel motif avait guidé le bras de ce fouilleur inconnu. Cet homme avait-il quelque raison de penser qu’il y avait là un souterrain abritant quelque dépôt précieux ? Était-il en possession d’un secret dont il n’aurait pas eu le temps ou la force de profiter ? Ce qui donnait quelque vraisemblance à cette conjecture, c’est qu’en frappant du pied la mosaïque, à un certain endroit, elle sonnait creux. M. de Cesnola résolut donc de fouiller sur ce point jusqu’au moment où il atteindrait le roc ou le sol vierge.

À la profondeur de 6 mètres environ au-dessous de celle que la fouille précédente avait atteinte, on trouva un étroit passage creusé dans le roc ; on le déblaya. Deux marches indiquaient l’amorce de l’ancien escalier ; de l’autre côté, le corridor conduisait à une porte, fermée par une mince dalle de pierre. Celle-ci enlevée, on aperçut une petite chambre, taillée, elle aussi, dans le roc vif ; elle était remplie, jusqu’à quelques pouces du plafond, d’une terre fine et meuble qui avait filtré par les crevasses de la roche. Il en était de même des trois autres pièces qui se faisaient suite et qui furent découvertes successivement. Il fallut plus d’un mois pour achever de les déblayer. Bien avant ce moment, M. de Cesnola était averti de l’importance de sa découverte.

Quand on ouvrait une tombe ainsi comblée, on avait l’habitude de réserver une couche de terre d’environ 50 centimètres ; une fois le déblaiement conduit jusque-là, on s’arrêtait pour ne plus le continuer qu’avec un redoublement de précaution et en présence du consul ou de son représentant ; c’était en effet sur le sol même que se trouvaient d’ordinaire les objets qui avaient été ensevelis avec le mort. Ici la même méthode fut suivie. Quand la première pièce fut à peu près vidée, M. de Cesnola s’y introduisit, tenant en main sa règle d’architecte, et, du bout de cet instrument, il sondait la poussière, quand soudain il heurta un corps dur. On se baissa : c’était un bracelet avec plusieurs autres objets d’or formant un petit tas. D’ailleurs pas la moindre trace d’ossemens. Tout venait confirmer la pensée qu’avait tout d’abord conçue l’heureux explorateur ; cette suite de caveaux qui venaient de s’ouvrir devant lui, ce n’était pas une tombe, c’était un de ces trésors souterrains comme il en existait à Delphes et dans bien d’autres temples, et ce trésor se trouvait avoir gardé intactes les richesses qui lui avaient été confiées, offrandes votives que les prêtres se transmettaient, objets de prix que les particuliers déposaient dans les sanctuaires, avant de partir pour la guerre ou pour un long voyage.

Les trouvailles qui furent faites dans ces quatre chambres dépassèrent toutes les prévisions, toutes les espérances même.