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de la nation d’oublier les maux qu’il a soufferts et pour l’inviter à venir à Paris avant de retourner à Rome ; » le second portant amnistie « de tous délits militaires, même de désertion à l’étranger, » et provoquant la rentrée en masse « de tout émigré, déporté ou déserteur. » A qui fera-t-on croire qu’un républicain aurait eu l’idée d’adresser au pape une pareille invitation, et l’idée non moins étrange de la faire figurer dans un sénatus-consulte ? N’y a-t-il pas là toutes les présomptions d’une entente complète entre Malet et les chefs du parti royaliste ? Comment d’ailleurs expliquer la venue du saint-père à Paris ? Il n’est pas vraisemblable qu’on aurait eu la pensée de s’adresser à lui, s’il ne s’était agi que de lui faire bénir quelque arbre de la liberté ; l’abbé Grégoire ou tout autre évêque constitutionnel eût beaucoup mieux rempli cet office. Si Malet a pensé que la visite de Pie VII à Paris était nécessaire, s’il a cru devoir intercaler dans son sénatus-consulte une disposition spéciale à cet objet, on doit supposer qu’il réservait à ce pontife un rôle important. Ne fallait-il pas que le futur roi fût sacré, comme l’avait été Napoléon, dans Notre-Dame ? N’était-ce pas à la papauté qu’il appartenait de replacer la couronne de saint Louis sur la tête des Bourbons ? L’article 7 n’a pas de sens ou il a celui-là. La même observation s’applique à l’article 13 ; ce n’est évidemment pas dans l’intérêt de la république et pour son plus grand bien que Malet se serait empressé de rouvrir les portes de la France aux déserteurs et aux émigrés. La préoccupation, les tendances, l’esprit royalistes, éclatent en tout cela d’un façon manifeste. — Ils ne sont guère moins apparens dans la proclamation de Malet aux soldats. Cette proclamation, qui devait être lue devant les troupes assemblées, contenait cette phrase significative : « Prouvez à la France que vous n’étiez pas plus les soldats de Bonaparte que vous ne fûtes ceux de Robespierre. » Pourquoi cette évocation de Robespierre ? On a dit que Malet avait cru devoir faire cette concession « aux Girondins qui peuplaient les administrations et la magistrature impériale. » La conjecture est au moins hasardée, et l’on reconnaîtra que cette attaque à la mémoire du plus fameux des jacobins n’était pas pour déplaire aux royalistes. Autre symptôme non moins significatif : la proclamation de 1812 ne se termine pas comme celle de 1808 par le cri de Vive la république ! Elle tourne court, après quelques généralités peu compromettantes.

Il semble que ces diverses objections fondées sur la lecture attentive des textes auraient dû frapper les apologistes de Malet. Ils ne s’y sont pas plus arrêtés qu’au témoignage du principal témoin dans l’affaire. La relation de l’abbé Lafon méritait pourtant quelque créance. Écrite avec des souvenirs personnels et sur les pièces