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fournies à l’auteur en 1814 par le directeur général de la police du royaume[1], cette relation est certainement la plus complète et la plus authentique que nous ayons, et l’on n’avait pas le droit d’en récuser l’autorité sans de puissans motifs. Or nous y trouvons précisément l’explication des changemens introduits par Malet dans le sénatus-consulte de 1812. D’après Lafon, ces changemens auraient été dus à l’influence persuasive exercée sur le général par plusieurs notabilités du parti royaliste, détenues, comme lui, dans la maison du docteur Dubuisson. « M. Malet, dit-il, avait été un patriote de 89, il avait approuvé la réforme des abus, il avait pensé comme tous les gens de bien qu’on y parviendrait sans renverser les fondemens de l’état et sans amener l’anarchie. Et qui est-ce qui n’a pas été patriote comme lui ? Mais, lorsqu’il vit le système révolutionnaire s’établir sur les ruines d’une constitution sage et protectrice de la vraie liberté, il sentit que le gouvernement monarchique était le seul qui convint aux Français.

« Les raisonnemens persuasifs de MM. de Puyvert et de Polignac achevèrent de le convaincre de cette vérité aujourd’hui bien reconnue, qu’il ne peut y avoir de bonheur solide pour les peuples que sous un roi légitime, juste et bon. La nécessité d’un rapprochement fut reconnue, désirée de part et d’autre et exécutée. Cette heureuse élaboration de sentimens, d’intentions et de pensées, fut le fruit de trois ans de soins ; elle devait amener une révolution aussi douce que les précédentes avaient été cruelles ; mais l’infortuné qui disposa tout pour opérer ce grand événement ne devait pas jouir de son ouvrage ! Il travailla avec un zèle au-dessus de tout éloge au renversement de Bonaparte et au rétablissement de la dynastie des Bourbons, et l’on peut dire que c’est à ses efforts et à ceux de ses hardis collaborateurs qu’est due toute la gloire de cette belle entreprise à laquelle tant de gens ont concouru sans le savoir… »

« Depuis longtemps, écrit encore l’abbé Lafon, les cinq captifs de la maison de santé travaillaient à établir au dehors des relations. Ils étaient parvenus à vaincre toutes les difficultés. Des correspondances actives et suivies existaient avec les autres prisons. On était même arrivé jusqu’aux cardinaux détenus au fort de Vincennes… — Des intelligences avaient été ménagées avec beaucoup de militaires… — On avait conservé toutes les communications établies dans la Provence et le Midi par M. le marquis de Puyvert, ce fidèle

  1. Il existe aux archives une lettre du chef du premier bureau du secrétariat général de la police à l’abbé Lafon, ainsi conçue : « Monsieur, vous avez témoigné à son excellence le directeur général le désir d’obtenir des renseignemens sur le jugement du général Malet. Son excellence a accueilli votre demande et elle me charge de vous prévenir qu’il vous sera donné, au premier bureau du secrétariat général, communication de toutes les pièces qui existent sur cette affaire. Vous pouvez, monsieur, vous présenter dans ce bureau quand vous le jugerez convenable. »