Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/676

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aptitudes administratives pour organiser et faire marcher le personnel, du tact commercial pour régler les tarifs, en un mot la réunion de toutes les qualités qui font à la fois l’industriel et le commerçant. Si vous chargez l’état de ce service, l’un des plus difficiles qui présente le champ du travail, vous pourrez à plus forte raison lui confier l’exploitation des mines, comme à Sarrebruck et dans le Harz, la mise en valeur des terres, comme dans les fermes du domaine, en un mot, la fabrication des principaux produite, matières premières ou manufacturées. Il n’y a point de raison pour s’arrêter dans cette voie. On arrive logiquement à mettre toute l’industrie aux mains de l’état, ce qui est l’idéal du socialisme extrême.

Dans ces dernières années, la déroute s’est mise dans le camp des socialistes conservateurs. Les uns ont été grossir les rangs des « agrariens ; » les autres, effrayés des progrès du socialisme démagogique, sont redevenus conservateurs rétrogrades ; d’autres enfin se sont ralliés au groupe des socialistes évangéliques, que nous essaierons tantôt de faire connaître. Cependant le plus instruit d’entre eux, M. Rudolph Meyer, dont nous avons souvent déjà cité le curieux ouvrage, der Emmcipationskantpf des vierten Standes, résume dans ce livre le programme des hommes de sa nuance, qu’il avait en partie exposé au congrès des Kathedersocialisten, à Eisenach, en 1872. M. R. Meyer se déclare tout d’abord pour le maintien du suffrage universel. C’est le meilleur moyen, dit-il, d’initier le quatrième état, le peuple, aux réalités de la vie politique et de le préserver des chimères irréalisables. L’exemple du tiers-état en France avant 1789 est instructif sous ce rapport. Comme il ne pouvait prendre aucune part à la direction des affaires publiques et qu’il n’en avait aucune expérience, il se laissait aller à rêver des réformes absolues, conçues par l’imagination et déduites par la logique. Cette pensée est juste ; elle est empruntée à Tocqueville, qui la développe admirablement dans son chapitre de l’Ancien Régime, intitule : « Comment vers le milieu du XVIIIe siècle les hommes de lettres devinrent les principaux hommes politiques du pays et les effets qui en résultèrent. » On ne peut pas dire cependant qu’en Allemagne le suffrage universel ait préservé les ouvriers de l’esprit révolutionnaire. Ce qui est vrai toutefois, c’est qu’il les a fait sortir des nuages dorés de l’utopie pour les conduire sur le terrain où se poursuit la lutte des intérêts. Mais ce n’est ni plus commode, ni plus rassurant pour les maîtres. On se souvient que M. de Bismarck s’est également prononcé pour le maintien du suffrage universel.

Le soi-disant conservateur M. R. Meyer invoque l’opinion de Rodbertus pour démontrer que l’état doit régler la distribution de la richesse conformément à la justice. Jusqu’à présent, dit-il, on ne