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faits, de lois, d’habitudes qui constituent toute la situation présente, qui ont assurément donné à la république ses meilleures chances de succès et de durée. C’est déjà presque une tradition politique dont les dernières élections sénatoriales, accomplies sous la même influence et dans le même sens de modération libérale, n’ont été après tout qu’une consécration victorieuse, une phase nouvelle.

Eh bien ! c’est là précisément la question du jour. Voilà une république qui a sa constitution, ses lois, qui a rallié par degrés bien des esprits et s’est fait accepter par le pays, parce qu’elle se présente comme un régime de modération libérale et conservatrice, parce qu’elle offre des garanties à tous les intérêts sérieux. Il s’agit de savoir si le moment est venu de dévier de cette ligne de conduite, de détruire ce qui a été fait, de remplacer la république parlementaire que la modération a rendue possible par la « vraie république » de certains républicains dont les fantaisies auraient bientôt tout compromis. Il s’agit de savoir si on abandonnera à toutes les passions agitatrices l’œuvre de huit années, si d’une victoire de scrutin qui, dans la pensée du pays, n’a eu visiblement d’autre objet que de consolider ce qui a été conquis par tant d’efforts, on tirera des conséquences telles qu’on ne tarderait pas à rentrer dans les aventures. Que M. Floquet ait la présomption naïve de mettre sa sagesse à côté de celle de M. Dufaure, que M. Madier de Monjau invoque un Casimir Perier républicain, que l’un et l’autre et leurs amis aient combattu le ministère, ou qu’ils se disposent à combattre ceux qui représenteraient au pouvoir les mêmes idées, c’est fort bien ; mais toutes les divagations mises de côté, que veut-on ? que propose-t-on sous prétexte de réaliser la « vraie république ? » Quels sont les programmes que les républicains de la gauche extrême ont à opposer à ceux qui ont fait jusqu’ici le succès du régime nouveau ? Ils ont sans doute une politique. Consiste-t-elle, cette politique, à inaugurer l’ère nouvelle par le procès des ministres du 16 mai, au risque de soulever les questions les plus périlleuses, de semer partout l’irritation et l’agitation ? Même après les grâces innombrables qui ont été décrétées, M. Louis Blanc et M. Victor Hugo ont encore proposé tout récemment une amnistie : soutiendra-t-on cette amnistie qui ne s’appliquerait plus qu’aux chefs de la commune ? L’étendra-t-on, comme un député le demande, à ceux qui ont été condamnés pour des crimes de droit commun, qui ont brûlé et pillé Paris ? On parle sans cesse, c’est un thème invariable, de défendre la société laïque, de réprimer le cléricalisme : veut-on se lancer dans les persécutions religieuses ? A-t-on quelque idée de s’associer aux conseillers municipaux de Lyon qui ont supprimé le feu à de pauvres enfans dans des écoles congréganistes, ou aux conseillers municipaux de Paris qui ne veulent pas qu’une statue de Charlemagne figure sur une place publique ? Sous prétexte de revendiquer