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l’autorité parlementaire, a-t-on le dessein d’organiser le gouvernement des comités ? Toutes ces choses cependant se pratiquent plus ou moins, se produisent avec quelque jactance et entrent dans des programmes qui ont la prétention d’être des programmes républicains destinés à remplacer la politique de la république conservatrice.

Le danger du moment est beaucoup plus qu’on ne le croit dans toutes ces incohérences. Qu’on ne s’y trompe pas : si d’ici à peu il ne se forme pas dans les deux chambres une majorité sérieuse, décidée à écarter les propositions excentriques, à maintenir les conditions essentielles d’une république sensée et modérée, — résolue aussi à ne pas marchander chaque jour la vie au gouvernement, à soutenir un ministère contre toutes les prétentions, les obsessions et les convoitises, si on n’en vient pas là promptement, toutes les fantaisies se donneront carrière, et ce qui a amené la chute de M. le maréchal de Mac-Mahon ne tardera pas à menacer M. Grévy lui-même. Assurément si on avait pu éviter une crise de pouvoir d’ici à l’an prochain, même au prix de quelques concessions, c’eût été une œuvre de prudente politique. Elle a éclaté malgré tout, cette crise, elle a été franchie le plus favorablement possible. Ce qu’il y a de mieux aujourd’hui, sous la présidence nouvelle, c’est de rentrer au plus vite dans l’ordre, ne fût-ce que pour ne pas offrir au pays le spectacle d’un régime où régnerait la fureur des places, et pour ne pas perdre aux yeux de l’Europe la considération méritée par huit années de généreux efforts.

Ce qui arrive en France aujourd’hui, ce qui en résultera dans un temps plus ou moins prochain ne peut qu’être assurément un surcroît de préoccupation pour l’Europe, où s’agitent tant d’autres problèmes de toute sorte et où chaque pays a ses mouvemens d’opinion avec ses intérêts. L’Angleterre, quant à elle, l’Angleterre, pour le moment, tout entière à ses grandes affaires extérieures, n’a point de ces embarras intérieurs et de ces crises qui paralysent les gouvernemens. L’Italie, par le retour de M. Depretis au pouvoir, a retrouvé un ministère que le parlement de Borne paraît, disposé à laisser vivre au moins quelques mois, et qui vient de signer avec la France des arrangemens de nature à préparer un nouveau traité de commerce. En Allemagne, à l’heure qu’il est, à part tout ce qu’on ne dit pas, il y a une question singulière qui semble se dessiner de plus en plus et qui pourrait se résumer ainsi : La politique de M. de Bismarck tend-elle décidément à devenir l’expression d’un travail intime, compliqué et multiple de réaction ? C’est en effet une question assez complexe et qui est publiquement agitée dans les parlemens comme dans toutes les polémiques. L’autre jour, en écrivant une longue lettre sur les douanes, le chancelier se proposait-il de donner le signal d’une réaction économique qui arriverait prochainement à se préciser, à se formuler dans un système de tarifs