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donc bien faite pour porter ombrage à la royauté, toute chrétienne que celle-ci entendit rester. S’appuyant sur la législation canonique que le progrès des idées mettait de plus en plus en opposition avec la législation civile, subordonné à un chef placé hors du royaume et ne relevant pas du monarque, ayant même la prétention de lui commander, plus préoccupé des intérêts de la foi que de ceux de la nation, le clergé, par l’essence de sa constitution, devait créer de grands embarras à la couronne et graviter sans cesse vers la théocratie. La lutte entre l’église et l’état est vieille de plus de dix siècles ; elle a amené à toutes les époques de sérieuses difficultés que les gouvernemens ont tournées plutôt que résolues. Les assemblées générales eurent au moins l’avantage de permettre au clergé de formuler nettement ses principes et ses doctrines, à la royauté de traiter, de transiger avec lui. Le clergé se trouva, par l’institution de ses assemblées, investi d’un droit qui était refusé à la nation, mais il ne s’en servit pas pour l’étendre aux laïques qui en avaient été dépouillés ; il l’exerça comme un privilège réservé à un ordre placé par son caractère sacré fort au-dessus des deux autres. On ne saurait donc dire que les assemblées du clergé aient été les précurseurs de nos assemblées représentatives et que ce régime presque parlementaire qui lui avait été concédé ait préparé l’avènement du régime parlementaire dans notre pays. Malgré les traits de ressemblance qui rapprochent ces assemblées délibérantes des nôtres, elles s’en distinguent profondément. Leurs séances ne présentaient pas les luttes ardentes et les débats orageux de nos chambres. Il n’y avait pas là des partis, des factions irréconciliables, cherchant à s’arracher le pouvoir et se reprochant mutuellement de faire ce que chacune pratiquait pour son propre compte. Les délibérations étaient plus agitées que turbulentes ; elles dégénéraient rarement en scènes de violence et de scandales. Les députés y apportaient les habitudes de retenue et même de recueillement du sanctuaire. L’éloquence y conservait quelque peu les formes de la chaire ; elle s’y déployait avec cette ampleur pédantesque et cette solennité emphatique qui nous semblent aujourd’hui amphigouriques et ridicules. Loin d’attaquer avec irrévérence le pouvoir royal, les députés lui prodiguaient d’ordinaire les adulations alors même qu’ils résistaient à ses volontés. Durant la longue existence de ces assemblées, on n’eut à noter que quelques séances tumultueuses, où l’orgueil des prélats eut plus de part que l’opposition des idées. Mais, si les délibérations affectaient moins l’aspect d’une arène que nos assemblées politiques, en revanche elles donnaient lieu davantage à des menées, des cabales, qui s’ourdissaient sous le manteau des intérêts de l’église, car la soutane et la tonsure ne sont point malheureusement une armure qui protège les hommes contre les