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vues égoïstes, la politique russe a été abandonnée par la Grèce au profit de la politique occidentale. Les Grecs, que les derniers événemens ont achevé d’éclairer, savent maintenant que l’hellénisme n’a point d’adversaire plus redoutable que le panslavisme.

Le grand mouvement national contre les Allemands, commencé en 1843 par la révolution qui provoqua l’expulsion de tous les fonctionnaires bavarois, fut achevé en 1862 par la révolution qui fit proclamer la déchéance du roi Othon. La révolution de 1862 eut malheureusement tout d’abord les plus fâcheux résultats. Sous le gouvernement provisoire, tout alla de mal en pis. L’essor de prospérité qui avait commencé pendant la période d’accalmie de 1856 à 1861 s’arrêta net. On fit plus de politique et moins de besogne que jamais. Naturellement, les recettes de l’état diminuèrent ; mais les dépenses augmentèrent. Ce fut la curée des places parmi les politiciens, et la curée des grades parmi les officiers et les soldats, car la révolution de 1862 tenait un peu des pronunciamiento espagnols. De plus l’administration fut déplorable. On a calculé que la révolution de 1862 a coûté à la Grèce 60 millions de drachmes. Ce sont là les bienfaits des révolutions. Le prince George de Danemark, proclamé roi de Grèce, succéda au gouvernement provisoire, qui avait trop duré pour le bien du pays. Le jeune roi eut le bon esprit de ne pas amener avec lui, comme l’avait fait son prédécesseur Othon, tout un personnel étranger. Il conquit ainsi les sympathies de la nation grecque. La cession des îles Ioniennes que consentit l’Angleterre, sorte de don de joyeux avènement à la Grèce, le mariage de George Ier avec une princesse de Russie, enfin la naissance d’un fils l’année qui suivit le mariage, achevèrent de concilier au roi la faveur publique. Quelque peu superstitieux, les Grecs virent dans cet événement presque un miracle de bon augure. Le bruit se répandit même dans le petit peuple, assez ignorant de l’histoire compliquée de Byzance, que depuis Constantin nul empereur d’Orient n’avait eu un héritier direct.

Bien que l’insurrection de Crète, en 1867 et 1868, ait encore passionné le pays et que les secours donnés aux réfugiés lui aient coûté fort cher, la Grèce est entrée sous le règne du roi George dans une période d’apaisement. Les changemens de ministère, fréquens encore, laissent généralement la population indifférente, sauf les politiciens du café de la Belle-Grèce et des trottoirs de la rue d’Éole. On a commencé à travailler sérieusement, le gouvernement en développant les travaux publics, en extirpant le banditisme, en faisant des réformes utiles, le peuple en s’adonnant de meilleur cœur à l’agriculture, au commerce et à l’industrie. De 1865 à 1876, la Grèce a plus gagné au point de vue économique que de 1832 à 1865. Ces dix années de calme relatif ont été plus pour elle que