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mais on ne peut la réchauffer au-delà d’une limite donnée sans qu’elle commence à fondre. Cette limite est la même pour toutes les variétés de glace : elle ne change pas avec les circonstances extérieures ; elle est absolument fixe, c’est la température marquée zéro sur le thermomètre. Mais il ne suffit point de l’avoir amenée à ce degré pour que la glace fonde entièrement et tout à coup ; elle demeurerait indéfiniment solide, si on ne continuait à lui fournir de la chaleur. C’est à cette condition seule que la fusion s’achève peu à peu, lentement dans l’air, plus rapidement sur un foyer. Tant qu’elle n’est point complète, la température demeure invariablement la même, invariablement égale à zéro.

Cette nécessité de fournir à la glace, pour la fondre, une quantité de chaleur considérable, qui disparaît sans augmenter la température, a beaucoup embarrassé les physiciens qui en ont fait la découverte. Sans l’expliquer, ils l’ont caractérisée d’un mot, en disant que la chaleur devient latente. Ils ont mesuré cette chaleur avec soin ; ils ont prouvé que, pour fondre 1 kilogramme de glace, il en faut autant que pour échauffer de 80 degrés 1 kilogramme d’eau, plus simplement qu’il faut 80 calories. Aujourd’hui le fait n’embarrasse plus les physiciens ; fondre la glace, c’est séparer les molécules qui adhéraient entre elles, c’est faire un travail mécanique qui exige une dépense de force ou de chaleur. Toute celle que le foyer fournit est employée à accomplir ce travail, à opérer cette fusion. Entre l’eau solide ou liquide, il n’y a d’autre différence que l’absorption ou la restitution de la chaleur latente. A zéro, elle prend indifféremment les deux états : donnez à la glace 80 calories, vous en faites un liquide ; reprenez -les à l’eau, vous avez de la glace.

Ce raisonnement nous conduit logiquement aux lois de la solidification, qui est l’inverse de la fusion. Soumettons à l’action d’un mélange réfrigérant 1 kilogramme d’eau prise à la température de zéro. Elle abandonnera progressivement, de la chaleur. Elle peut le faire de deux manières très différentes, entre lesquelles elle a pour ainsi dire le choix.

Supposons d’abord que c’est la chaleur latente qu’elle perd : alors elle conservera la même température, mais se congèlera peu à peu. Si par chaque minute on soustrait à l’eau une calorie, qui est la quatre-vingtième partie de sa chaleur latente, on verra se congeler la quatre-vingtième partie de la masse totale, c’est-à-dire 12gr,5. Au bout de quatre-vingts minutes, toute la chaleur latente aura été perdue, et tout sera congelé.

Mais les. choses peuvent se passer autrement. Rien ne dit que l’eau mise dans le mélange réfrigérant doive abandonner tout