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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/936

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Si à ce moment la congélation survient, une portion du liquide égale à 126 grammes se congèle instantanément, abandonne sa chaleur latente égale à 10 calories, et cet abandon eût remonter le tout jusqu’à zéro. Dans les deux cas le point de départ et le point d’arrivée sont les mêmes, la marche seule diffère. Congélation lente et température » constante dans le premier cas ; dans le second, refroidissement progressif, puis tout à coup congélation, brusque et réchauffement.

La quantité de glace ainsi brusquement formée dépendra da refroidissement : il y en aura 12,5 grammes pour chaque degré d’abaissement, par conséquent 125 grammes pour —. 10 degrés, 250 grammes pour — 20 degrés, et s’il était possible ; de descendre jusqu’à — 80 degrés, il y en aurait 1,000 grammes : tout se serait pris en masse solide.

Il nous reste à expliquer comment il se fait que l’eau surfondue se prend en masse sans former une couche de glace superficielle et à dire quelles sont les influences qui tout à coup décident la congélation brusque. Nous savons déjà qu’elle est due souvent à l’agitation ou à la présence d’un solide, mais ce sont des causes secondaires. La principale, la seule toujours suffisante et efficace, est la présence d’une parcelle de glace, si minime qu’elle soit. Ici, il convient d’étendre la question et de la généraliser. Toutes les dissolutions salines éprouvent comme l’eau le phénomène de la surfusion. La plus connue de toutes est la solution de sulfate de soude. On la prépare à chaud avec un excès de sel ; puis, sans la laisser refroidir, on filtre le résultat et on le fait couler dans un vase à long col. Par le refroidissement, il devrait déposer des cristaux ; rien de pareil ne se voit ; le liquide se maintient sans altération pendant tout le temps qu’on veut, pourvu qu’on bouche le col avec un tampon de coton, pour arrêter les impuretés que l’air extérieur apporterait. Ce liquide est en surfusion, car il renferme alors beaucoup plus de sel qu’il n’en prendrait si on l’avait saturé à froid.

Un des plus habiles professeurs de l’université parisienne, M. Gernez, a fait de ce sel une étude toute spéciale, » il a prouvé qu’en introduisant dans la solution ainsi préparée un cristal de sulfate de soude, si imperceptible qu’il fût, on décidait à l’instant même la cristallisation de la masse entière ; elle commençait au contact du cristal, se continuait de proche en proche en rayonnant jusqu’aux parties les plus éloignées, et comme le sel abandonnait sa chaleur latente en se solidifiant, le degré du thermomètre montait tout à coup. C’est, comme on le voit, la même expérience que celle de Blagden, avec cette différence que l’eau surfondue est remplacée par du sulfate de soude également surfondu.