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irrégulièrement un intérêt sur les 3,931 millions restans. A côté de cette grande faillite, on se demande s’il vaut la peine de mentionner les nombreuses suspensions de paiement qui ont été signalées dans ces dernières années, si ce n’est que la banqueroute de la Banque de Glasgow, par les révélations effrayantes sur la corruption d’une partie du commerce qui l’ont accompagnée, a jeté comme un crêpe sur le reste. Il faut espérer que cet enseignement ne sera pas perdu pour l’Angleterre.

Nous ne devons pas oublier de mentionner, avec les publicistes anglais, les mauvaises récoltes des années 1875,1876 et 1877 parmi les causes de la crise. On pouvait s’y tromper, car, — et nous en donnerons plus loin la raison, — le prix du blé ne s’est pas élevé cette fois en Angleterre comme on l’a vu en d’autres temps, et comme on le voit encore en d’autres lieux. Mais si le pain n’est pas devenu plus cher, il n’en est pas moins certain que les fermiers ont éprouvé un déficit très sensible dans leur récolte de grains. M. Caird évalue ce déficit à 22 pour 100 pour 1875, à 24 pour 100 pour 1876 et à 36 pour 100 pour 1877. Dans ces mêmes années, et ce point a une gravité particulière, le bétail a diminué. On comptait en 1874 6,125,000 têtes de bêtes à cornes, à la fin de l’année 1877 il y en avait 427,000 de moins ; dans la même période triennale, sur un ensemble de troupeaux de 30,314,000 bêtes à laine, on perdit 2,153,000 têtes. Les populations rurales durent donc réduire leur consommation de produits industriels, et les banques qui sont le plus en rapport avec le cultivateur ont pu s’apercevoir que l’épargne, si elle existe, était insignifiante.

Avons-nous épuisé la liste des causes particulières au royaume-uni ? Loin de là. L’ouverture du canal de Suez aurait causé une certaine perturbation dans une partie importante du commerce ; cet événement a d’ailleurs provoqué la construction urgente de nombreux vapeurs, à un moment où les usines étaient déjà surchargées de commandes. La crainte de la guerre est également mise en avant ; mais l’argument sur lequel on revient le plus souvent et avec le plus d’insistance, c’est la fermeture progressive du marché étranger. Chaque pays tend à se pourvoir par son propre travail, et s’il consent à se fournir au dehors, il préfère trop souvent s’adresser au concurrent de l’industrie britannique. Quelques publicistes se sont montrés assez pessimistes pour se faire prophètes de malheur, pour prédire de nouveau la « décadence » de l’Angleterre, et ils ont fait une certaine impression, puisqu’un fabricant, membre du parlement très connu, M. Mundella, a cru nécessaire de publier un travail sur « les conditions dont dépend la suprématie commerciale et industrielle de la Grande-Bretagne[1]. » Que craignez-vous, dit-il

  1. Journal of the statistical Society de Londres, mars 1878.