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nombre de ses habitans, mais il suffit de citer un des exemples les plus éclatans de ce mouvement, l’Angleterre et le pays de Galles. Le recensement de 1801 fournit 8,872,000 habitans, le recensement de 1871,0 0704,000, c’est une augmentation de 155 pour 100. Évidemment tel n’a pas été le taux d’accroissement des époques antérieures, car on arriverait bien vite à une date où l’ensemble de la population britannique ne serait composé que d’un seul couple, et cela à une date bien postérieure au roi saxon Alfred, ou au roi normand Richard Cœur-de-Lion. L’accroissement a donc été lent à ces époques reculées et rapide de nos jours. Faisons la part des guerres intestines, des famines et des épidémies ; mais cela est loin de suffire, car, si nous en croyons sir William Petty, qui passe pour une autorité en ces matières, l’Angleterre aurait eu en 1682, c’est-à-dire 17 ans après la dernière grande épidémie, 7,360,000 habitans ; la population ne se serait donc accrue en 118 ans que de 19 pour 100. Petty, du reste, croyait qu’il fallait 360 ans à la population anglaise pour doubler. Ces chiffres ne s’appuient pas sur des données suffisamment rigoureuses, nous ne pouvons les prendre à la lettre, il est seulement certain que l’accroissement était alors infiniment plus lent que de nos jours, et qu’il ne s’est pas sensiblement accéléré pendant le XVIIIe siècle[1].

La vapeur fut assujettie au travail, on construisit des machines, on les multiplia même assez rapidement, et une merveille s’accomplit : ces « ouvriers inanimés, » comme on les appela dès la fin du siècle dernier, firent naître des ouvriers en chair et en os. On pourrait dire que les machines les firent pulluler, car avant leur introduction on ne comptait que 7 ou 8,000 ouvriers filant ou tissant le coton, et dix ans après il y en avait plus de 200,000. Ils quittaient sans doute d’autres professions pour se vouer à la nouvelle industrie qui rétribuait ses auxiliaires mieux que les anciennes ; mais le vide se faisait ainsi dans beaucoup d’ateliers, il y eut de nombreuses places à prendre au banquet du travail, et les places furent prises. Le salaire s’éleva, il devint plus facile de gagner sa vie, on se maria et l’on eut, comme dit le conte, beaucoup d’enfans. La chimie et l’histoire naturelle vinrent bientôt, au secours de la physique et de la mécanique, la production augmenta d’une manière extraordinaire, parce qu’en baissant de prix les produits devenaient accessibles à

  1. D’après une autre source, la Grande-Bretagne (Angleterre et Écosse) aurait compté, aux époques ci-après :
    En 1651, 6,378,000 habitans
    En 1751, 7,392,000 habitans, accroissement en cent ans : 1,014,000
    En 1851, 21,185,000 — — 13,793,000


    (Journal of the statistical Society, t. XVIII, page 368.)