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cependant, l’opinion publique a été émue par l’assertion du professeur Botkine qu’un cas de peste venait d’apparaître à Saint-Pétersbourg. Le malade a été immédiatement séquestré, puis soumis à l’examen d’une commission médicale. Or il paraît que la maladie en question, quoique contagieuse, n’a rien de commun avec la peste, et que les symptômes en sont parfaitement connus depuis la découverte de l’Amérique, Cependant le professeur Botkine, dont l’autorité scientifique est considérable, persiste, à penser que c’est un cas bien avéré de la peste de Vetlianka.

Les gouvernemens européens ont compris qu’il fallait intervenir même avant que le péril fût imminent. La Prusse notamment et l’Autriche-Hongrie, plus directement menacées, ont interdit la circulation dès marchandises, imposé des quarantaines de vingt jours[1] à toute personne venant des pays infectés. La France, l’Italie, l’Espagne, ont pris des mesures semblables pour les ports de la Méditerranée. Peut-être ces précautions sont-elles tant soit peu prématurées ; mais en fait d’épidémie on n’est jamais trop prudent, et si les quarantaines sont à peu près sans efficacité pour le choléra, elles empêchent certainement la propagation de la peste, car le poison contagieux ne se répand pas dans l’air, et n’est pas entraîné par les vents à de grandes distances, mais adhère aux vêtemens, aux objets, aux marchandises contaminées. Ce n’est pas à dire qu’il faille exagérer la rigueur des mesures prophylactiques, interdire par exemple l’entrée des ports méditerranéens de France et d’Italie aux vaisseaux venant de Tunis, d’Égypte et de Syrie, ainsi qu’il en a été question il y a quelques jours. Ne prenons pas non plus au sérieux cette nouvelle fantaisiste qu’une armée allemande de quatre-vingt mille hommes a été concentrée à la frontière occidentale de la Russie, de manière à constituer un cordon sanitaire imposant. Jamais les baïonnettes et les canons n’ont fait reculer des épidémies : le typhus, le choléra, la peste, n’ont pas de meilleurs alliés.

Enfin les gouvernemens de Prusse et d’Autriche ont pris une mesure dont l’utilité, au moins pour l’avenir, est très réelle. Des médecins ont été envoyés à l’effet d’étudier l’épidémie dans les localités mêmes où elle sévit. Sur la demande de M. Fauvel, directeur des services sanitaires, le gouvernement français a pris une décision analogue, et délégué pour cette dangereuse et utile mission un médecin distingué, le docteur Zuber, professeur agrégé au Val-de Grâce. Il est probable que par cette réunion de savans éminens l’origine, les symptômes, la nature de la maladie de Vetlianka, seront étudiés avec soin. À ce propos,

  1. Quelque inexacte que soit cette expression, elle est employée officiellement, et a fini par passer dans la langue.