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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/476

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mouvemens précipités que le nouveau sénat n’était certainement pas disposé à encourager, qui semblaient trouver d’avance leur limite dans l’accord nécessaire des pouvoirs. La république n’avait plus rien à craindre, c’était évident ; elle n’avait qu’à vivre, à s’affermir par degrés, à chercher sa force dans la paix, dans la pratique sérieuse des institutions libres, dans la politique de raison par laquelle elle a réussi à s’accréditer et à se fonder. Le pays l’a cru ainsi, cela n’est pas douteux, et c’est l’explication la plus plausible d’une confiance assez universelle dans les premiers jours, dans ce qu’on pourrait appeler la lune de miel des élections sénatoriales. Qu’est-il arrivé cependant ? A peine est-on entré dans cet ordre nouveau où tout semble désormais facile, où va régner « l’harmonie des pouvoirs, » les incohérences éclatent. On commence par organiser l’assaut contre le ministère qui a fait les élections et contre M. Dufaure, dont on a été trop heureux d’invoquer l’autorité, tant qu’on a eu besoin de ce talent éminent, de cette haute intégrité, mais qui ne peut plus manifestement suffire dans les circonstances nouvelles ! Moins de quinze jours après les élections sénatoriales, on a essayé de provoquer une crise ministérielle, et avant la fin du mois la crise ministérielle à peine conjurée est devenue une crise de gouvernement par la démission nécessaire ou volontaire de M. le maréchal de Mac-Mahon, par l’élévation à la présidence de la république de M. Jules Grévy.

Les événemens vont d’un pas rapide ! Cette fois du moins on va pouvoir se reposer : le but est atteint, la victoire sur le 16 mai 1877, sur le 24 mai 1873, est complète ; celui qui restait le dernier représentant de ces deux dates ennemies a disparu. La république a un président républicain comme elle a des chambres républicaines ; elle a même un ministère plus complètement républicain par la retraite de M. Dufaure, qui, après, avoir négocié, facilité la transmission du pouvoir présidentiel, s’empresse, avec une ironique bonhomie, de s’effacer devant des « hommes nouveaux. » Tout est donc reconstitué et renouvelé. C’est encore modéré, il est vrai ; mais c’est pour sûr décidément républicain. Que faut-il de plus ? Va-t-on s’arrêter et laisser au pays un moment de répit, le temps de comprendre cette série de crises, d’évolutions précipitées ? Pas du tout, il ne s’agit pas de s’arrêter. C’est au contraire le moment de se hâter plus que jamais, de prendre toutes les positions, de multiplier les exigences, les revendications, sous prétexte d’assurer la victoire républicaine, de ne pas laisser respirer ce pouvoir nouveau, qu’on a l’air de soutenir, le président lui-même et ce malheureux ministère qui reste encore par trop modéré, par trop centre gauche. Dès lors la confusion est complète. Un jour c’est la question de l’amnistie qu’on fait peser sur le gouvernement et avec laquelle le ministère est obligé de se débattre ; un autre jour c’est la question du retour des chambres à Paris qu’on soulève par une sorte de besoin d’agitation.