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mettait au roi, comme on dit vulgairement, le marché à la main. De là des vicissitudes dans l’existence de ces assemblées, tour à tour dictant des conditions au gouvernement ou subissant docilement celles qu’il imposait. La conduite des assemblées générales du clergé fut donc le miroir assez fidèle de l’état de la monarchie. Indépendantes et hardies sous Henri III, elles récriminent tout en cédant et font preuve de plus d’obstination que de fermeté sous Henri IV. D’abord hésitantes sous Richelieu, parce qu’elles se flattent de trouver dans ce ministre, qui ne supporte pas leur opposition, toute faible qu’elle soit, un protecteur des immunités de l’église, dont il est l’un des princes, elles s’aguerrirent par degré à lui résister. Elles devinrent presque frondeuses sous la fronde, puis elles se résignèrent peu à peu avec la nation à la sujétion à laquelle les condamnait Louis XIV. Leur indépendance ne se relève que lorsque l’éclat de la puissance de ce monarque s’affaiblit et quand sa dévotion, qui s’augmente avec l’âge, leur fournit une garantie de sa soumission à l’église. Sous le ministère du cardinal de Fleury, elles regagnent en liberté et en crédit, mais vers la fin du règne de Louis XV, sous celui de Louis XVI, elles subissent quelque peu l’influence de l’opinion publique, qui tend à devenir une puissance ; il leur faut rendre les derniers combats pour la défense d’immunités déjà compromises et que le gouvernement menace d’abolir. Les assemblées du clergé n’en obtiennent le maintien que par des votes répétés de décimes qui font rentrer les membres du corps sacerdotal dans les rangs des citoyens obligés de supporter une part de l’impôt et des charges de l’état. D’ailleurs, pour obtenir une protection contre l’hostilité de plus en plus prononcée du parlement, pour s’assurer le concours de l’autorité laïque dans la guerre contre le jansénisme, qui recrutait jusque dans ses rangs, le clergé était obligé sans cesse à de nouvelles concessions envers la couronne. Il s’efforçait souvent, il est vrai, de reprendre ce qu’on lui avait arraché ; il luttait contre les progrès de l’esprit moderne opposé au principe en vertu duquel le sacerdoce se place, au-dessus de la nation, et, quand éclata la révolution de 1789, il venait dans la dernière de ses assemblées de jeter un cri d’alarme en rappelant encore une fois au roi son titre de fils aîné de l’église.

Voilà, en, quelques mots, l’histoire des assemblées du clergé, depuis celle de Poissy jusqu’à celle de 1788, Nous devons maintenant en indiquer plus en détail les phases principales.


I

L’embarras où s’était trouvé le gouvernement royal pour payer les rentes de l’Hôtel de Ville de Paris avait donné naissance au