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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/543

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théologique une domination qu’on n’osait guère lui contester.

Tandis qu’il préparait ainsi l’assujettissement du clergé français, Richelieu tenait en respect le saint-siège en lui suscitant des adversaires dans la presse d’alors. Il faisait attaquer les doctrines ultramontaines dans des libelles, des pamphlets, par des écrivains qu’il subventionnait en secret. Il se servit plus d’une fois à dessein de la plume de protestans auxquels il accordait des pensions, des gratifications, ou en faisait espérer. La religion des auteurs éloignait le soupçon qu’il en pût être le complice. Entre les écrits dont le cardinal fut accusé d’avoir suscité la publication, on doit surtout citer le livre composé en 1636, en réponse à un ouvrage d’un sieur de La Milletière, sur la Nécessité du pape, et qui avait pour titre le Nonce du peuple français. Il y est dit que le roi de France n’est pas tenu de se soumettre aux décisions du souverain pontife. L’auteur proposait de faire sortir celui-ci de Rome, sinon d’établir en France un représentant spécial du saint-siège, afin d’arracher le pays à l’oppression de la curie romaine. Une circonstance assez piquante trahit la part que Richelieu devait avoir eue dans la publication du pamphlet. Grisset, l’imprimeur qui l’avait imprimé, se voyant poursuivi à la demande du nonce du pape, Bolognetti, affirma que le manuscrit de l’ouvrage lui avait été remis par un domestique du cardinal. Richelieu ne dit mot, et il laissa mettre en prison le pauvre Grisset, qui criait qu’il avait bon garant. Quant à l’auteur, le gouvernement favorisa sa fuite, tandis que l’imprimeur resta six mois sous les verrous.

Le cardinal avait contre le saint-siège des armes plus redoutables. Il imposait un frein à ses prétentions de régler sans contrôle la discipline dans l’église de France, en soutenant la magistrature dans les conflits incessans qui s’élevaient entre elle et l’autorité ecclésiastique. Ainsi il avait provoqué l’arrêt rendu par le parlement en décembre 1639 et interdisant de faire devant le nonce du pape des informations de vie et mœurs pour ceux que le roi avait nommés aux évêchés ou aux abbayes, malgré le décret du saint-siège qui le prescrivait, décret contre lequel au reste l’épiscopat français avait réclamé. La cour de Rome s’émut fort de cet arrêt, et Richelieu s’efforça vainement par l’envoi d’un long mémoire de le lui faire accepter. Le projet qu’avait formé le ministre de se fortifier contre les envahissemens de la puissance pontificale en usurpant à son profit une partie de l’autorité papale était d’une exécution difficile. Il fallait pour cela lutter contre le saint père et contre l’église de France, qui, souvent divisés dans leurs prétentions respectives, étaient toujours prêts à s’unir pour tenir tête au despotisme de Richelieu. Les mesures fiscales qu’il avait fait édicter ne pouvaient qu’augmenter dans le clergé l’esprit de résistance aux