Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/557

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Richelieu qu’elle ne donnerait rien au delà. La somme votée, les députés reprirent la route de Mantes sans s’arrêter à Rueil pour rendue leurs devoirs au cardinal, qui y était allé respirer l’air des champs. Le ministre en fut profondément offensé et vit là un grave manque d’égards à sa personne.

Les séances reprirent leur cours. L’évêque de Nîmes jugea à propos de renoncer à son opposition, mais il en résulta une discussion où perçait l’aigreur des deux partis. Ils ne s’entendaient pas sur les formes dans lesquelles le retrait de la réclamation du prélat devait avoir lieu. Tandis que les choses se passaient à Mantes en discussions misérables, les colères, s’amassaient dans le conseil royal contre les fauteurs du refus de l’assemblée. Louis XIII, poussé par son ministre, résolut d’agir d’autorité, et il envoya à la compagnie un nouveau message dont le ton impérieux témoignait de son mécontentement. Loin d’apporter une concession, ce message annonçait de nouvelles exigences. Ce n’étaient plus 700,000 livres, mais 1,200,000 qu’il réclamait. D’Émery déclara qu’il ne fallait pas moins pour compléter le chiffre des 6 millions que sa majesté avait entendu recevoir. Le commissaire royal fit au nom de son maître les plus sanglans reproches à l’assemblée et lui déclara qu’elle devait se trouver fort heureuse que le roi n’exigeât pas davantage. Il ajouta que, si sa majesté essuyait encore un refus, elle se ferait justice elle-même, sa volonté étant qu’on statuât le jour même sur sa demande. L’archevêque de Sens essaya encore quelques représentations ; il insinua que la conscience du, roi ne consentirait pas à s’approprier les biens de l’église et à en user ainsi avec une assemblée qui avait fait pour la couronne plus qu’aucune autre. D’Émery demeura inflexible et il dit tout haut en sortant, à l’évêque de Nantes, qui le reconduisait jusqu’à la porte, qu’il avait une lettre du roi pour faire suivre l’assemblée au camp d’Aire, où se trouvait sa majesté, afin de mettre un terme à tout ce mauvais vouloir. Il devenait trop clair que Louis XIII était résolu à réduire les députés à l’obéissance. La position de ceux-ci était perplexe. La peur gagna le plus grand nombre. Diverses propositions furent agitées. L’évêque d’Auxerre, voyant la majorité s’ébranler, chercha à l’entraîner en promettant ses bons offices près du cardinal pour obtenir une modération des 1,200,000 livres une fois qu’elles auraient été votées, mais il représenta qu’il importait avant tout de s’en remettre au bon plaisir du roi.

Malgré ses efforts, les présidens repoussèrent ce qu’ils qualifiaient d’acte de servilité. Les débats se prolongèrent plusieurs jours durant lesquels Richelieu faisait activement agir ses affidés. Il manœuvra si bien qu’une majorité finit par se former de son côté. Alors le président, Bellegarde, usant du dernier moyen qui lui