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l’oisiveté occupée de quelques-unes de nos facultés de province ! Que de talens se sont épuisés ou tout au moins refroidis dans l’atmosphère léthargique de certaines villes, qui s’obstinent à maintenir leurs facultés des sciences et des lettres en dépit de leurs salles désertes et de leurs banquettes vides ! Franchement l’état ne saurait être tenu de continuer à soutenir des établissemens qui ne sont même plus une bonne école pour ses professeurs. Les sacrifices qu’il fait là ne sont plus en rapport avec l’utilité qu’il en retire. Quant « aux différences de régime » dont se préoccupe l’auteur de la statistique, on ne voit pas trop ce qui les rendrait nécessaires, une fois écartée l’idée de constituer des corps autonomes et privilégiés, investis de prérogatives qui seraient refusées aux facultés isolées, telles que la collation des grades. L’administration pense que les facultés « préféreraient un vote de suppression à la mesure qui les réduirait à n’être plus que des commissions d’examen pour le baccalauréat. » C’est très sagement pensé, mais à part quelques esprits téméraires, il n’existe pas un homme compétent qui voulût enlever aux facultés isolées que l’on conserverait la délivrance des grades supérieurs, pour transporter cette prérogative aux seules facultés groupées. Que l’on supprime certaines facultés des sciences et des lettres, la mesure s’explique et se justifie d’elle-même. Mais il serait exorbitant de créer un privilège au profit d’établissemens et de villes déjà favorisés.

Il y aurait d’ailleurs un excellent moyen, et la statistique le propose, de maintenir entre les facultés isolées et les facultés groupées l’égalité de régime et la communauté de discipline, aussi nécessaires à leurs bons rapports qu’aux progrès de l’enseignement : ce serait d’instituer au-dessus des unes et des autres un conseil central qui tiendrait ses pouvoirs d’une loi et dont la mission spéciale serait de diriger et de surveiller, sous la présidence du ministre, l’ensemble de nos établissemens d’enseignement supérieur. A dire vrai, l’Université possède déjà bien des conseils : conseil supérieur et comité consultatif de l’enseignement public, conseils académiques et conseils départementaux. Mais il faut s’attendre à ce que les attributions et la composition de ces divers conseils soient profondément modifiées. Et qui sait où l’on s’arrêtera dans cette voie ? Le législateur de 1850 et plus récemment celui de 1875 avaient cru devoir faire une large part à l’enseignement libre. Dans leur pensée, le conseil supérieur (et par extension les autres) devait être la représentation libre et fidèle de tous les élémens de la société également intéressés dans la préparation des générations à venir. Ce n’était pas, suivant le langage de M. le duc de Broglie, « une simple réunion d’administrateurs associés à la direction d’une branche des services