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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/658

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Sauf ce point d’étiquette, que la reine appelle à Windsor le chef de la majorité pour lui remettre les pouvoirs nécessaires, nous retrouvons ici toutes les formalités parlementaires anglaises : l’abstention du pouvoir exécutif dans les élections, la démission du ministère battu, le contrôle direct exercé par les électeurs sur la marche du gouvernement. Ce contrôle est plus direct encore au Canada qu’en Angleterre, où la chambre des lords échappe, en vertu de son principe héréditaire, aux influences extérieures immédiates, et qu’aux États-Unis même, où se produit en ce moment la singulière anomalie d’un président en minorité dans le congrès et impuissant à nommer un agent diplomatique sans l’assentiment de ses adversaires politiques.

Le nouveau ministère représente avant tout le triomphe des idées protectionnistes, fort en faveur en ce moment dans la république américaine. Le Canada cherche, lui aussi, à développer ses manufactures et à s’affranchir du tribut qu’il paie aux fabriques étrangères. Son commerce d’importation atteint le chiffre de 500 millions à l’année ; dans ce total, la Grande-Bretagne figure pour 203 millions et les États-Unis pour 230. La France arrive en troisième ligne avec 10 millions seulement. Il est vrai qu’à l’exception de quelques rares entreprises individuelles la plupart des articles français importés au Canada le sont par des maisons anglaises.

Pays agricole et forestier, la colonie exporte surtout les produits de son sol. Le chiffre des exportations s’élève à 400 millions dont 150 pour les céréales et 100 pour les bois bruts ou débités. Les animaux, le beurre, les fromages, les fourrures représentent une valeur de 70 millions et les pêcheries de 28. La part afférente aux manufactures ne dépasse pas 27 millions. L’Angleterre et les États-Unis sont les deux principaux marchés d’exportation et absorbent l’une 200, les autres 145 millions de produits canadiens. Il résulte des statistiques les plus récentes que le commerce du Canada avec l’Angleterre s’est élevé en 1876 à 418 millions, importations et exportations réunies, et avec les États-Unis à 375 millions ; mais il en résulte aussi que la balance commerciale constitue le Canada débiteur de 12 millions à l’Angleterre et de 85 aux États-Unis.

Nous reconnaissons volontiers que l’écart entre les chiffres de l’importation et de l’exportation est loin de fournir un critérium absolu, et qu’il y a lieu de tenir compte d’autres élémens qui ne sont pas représentés dans les relevés de douanes. De ce qui précède, nous retenons seulement l’importance et l’accroissement des échanges entre le Canada et les États-Unis, importance qui s’affirme chaque jour dans le domaine des faits politiques. Chamfort raconte que lord Hervey, voyageant en Italie, traversait