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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/670

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menace maintenant, c’est la mer dont elles entendent les mugissemens de plus en plus rapprochés. L’érosion de la côte semble en effet plus violente qu’autrefois.

Quand la dune toute nue était écrêtée par le vent, elle se maintenait à une faible hauteur, en se raccordant au rivage par un talus peu incliné, sur lequel les lames venaient amortir doucement leurs volutes écumantes. Les tempêtes seules occasionnaient de grands ravages. Actuellement les sables ne peuvent plus fuir ; ils s’amoncellent sur le bord même de la dune qui se dresse verticalement devant la houle. Heurtée de front et sapée par le pied, cette muraille de sable fond dans la mer, en entraînant les rangées de pins tout entières. De nombreuses habitations, imprudemment établies trop à proximité du rivage, se trouvent gravement menacées. Leurs propriétaires avaient rêvé un asile aussi sûr que charmant, pour y savourer les joies égoïstes du suave mari magno, et maintenant ils sollicitent de l’état une coûteuse protection contre les flots.

L’érosion a été surtout effrayante à la pointe de Graves ; la mer menaçait d’y ouvrir une immense brèche et de se précipiter sur les riches vignobles du Médoc. La tempête, pénétrant dans le fleuve par une embouchure béante, y aurait rendu la navigation vraiment impossible par le gros temps. Devant d’aussi grands intérêts menacés, on a dû se mettre à l’œuvre sans hésitation, et protéger la côte par des digues et de puissans enrochemens. 14 millions ont été dépensés dans ces travaux difficiles qui exigent une incessante surveillance et un constant entretien. Tant de dépenses et tant de peines modèrent l’action destructive de la mer, sans l’arrêter absolument.

L’expérience acquise dans les boisemens du littoral permet d’indiquer quelques règles auxquelles il sera sage de se conformer désormais[1]. Loin de disputer à la mer la première ligne de dunes, il faut la lui abandonner tout entière, et arrêter les plantations à une distance convenable du rivage. La lutte restant libre entre le vent et la mer, les dunes prennent, comme par instinct de conservation, une faible élévation qui désarme pour ainsi dire la violence des flots. D’autre part, la protection des populations du littoral contre le progrès des sables est pleinement obtenue

  1. Ce boisement du littoral, qui a parfaitement réussi au point de vue forestier, fait le plus grand honneur à notre administration des forêts. C’est à juste titre que les plans des pinières de la Pointe de la Coubre, qu’elle a exposés dans son pavillon du Trocadéro, ont excité la plus vive attention chez les visiteurs de notre exposition universelle. Commencés par M. l’inspecteur de Vasselot, ces ensemencemens sont continués avec autant de zèle que de savoir par M. l’inspecteur Carrière. Nulle part ce modeste protecteur de l’homme, le pin maritime, ne soutient une lutte plus acharnée contre le vent, la mer et les sables. Nulle part aussi il n’est secouru par des soins plus prévoyans.