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commencé qu’en 1850. La commission locale qui la dirige et la solde est constituée sur les mêmes bases que celle de la Clyde. Dès maintenant elle prévoit un excédant de recettes sur les dépenses, qui ont dépassé 70 millions de francs.

En Angleterre, l’état n’intervient pas de ses deniers dans les travaux maritimes de cette nature ; il se borne à prêter une part du capital nécessaire au taux modéré de 3 pour 100. C’est dans ces conditions que les cinq cents ports du Royaume-Uni ont été construits, améliorés et munis d’un outillage sans cesse perfectionné. En France, l’état a supporté tous les frais de nos établissemens maritimes ; il a dépensé plus d’un demi-milliard pour l’entretien de nos deux cents ports, dont la grande moitié est dans une situation médiocre. Il est vrai qu’on a tenté un timide essai du système anglais, en imposant dans quelques ports, à Bordeaux par exemple, une taxe spéciale sur les marchandises de tout pavillon, pour solder certains aménagemens utiles au commerce. L’heure est venue d’entrer franchement dans cette voie rationnelle de faire supporter la dépense par ceux qui en ont les avantages directs et immédiats, quelle que soit leur nationalité. C’est à cette condition seule qu’il sera possible de réaliser les ressources nécessaires, pour opérer à bref délai les travaux urgens et indispensables que réclament la plupart de nos ports.

Nous avons dit que la création d’un grand canal reliant le bassin à flot de Bordeaux au cours inférieur du fleuve, par delà la barre du Bec-d’Ambès, trouve de nombreux partisans. Elle serait en effet très séduisante pour la navigation, cette perspective d’oublier, dans les eaux calmes et profondes d’un lit artificiel, tous les obstacles et les périls même du cours naturel ; mais un examen sérieux de ce projet montre que les avantages en sont très contestables. Les navires seraient privés du courant alternatif des marées, si utile pour leur descente ou leur montée dans le fleuve. Le remorquage, qui n’y est point indispensable, deviendrait une obligation dans le canal, ce qui grèverait la navigation de frais notables. Pour ces raisons, la plupart des marins persisteraient sans nul doute à se frayer un passage à travers les bancs de la Garonne, dont les difficultés susciteraient des réclamations aussi vives que par le passé.

Enfin les délais de la construction d’un canal long de plus de 40 kilomètres et large de plus de 100 mètres seraient au moins d’une dizaine d’années, durant lesquelles l’aggravation de l’état du fleuve, laissé sans secours, pourrait jeter sur Bordeaux un discrédit à jamais irréparable.

Cependant, quelque sérieuses que soient ces raisons, quelque coûteux que puisse être le canal, rien ne devrait en arrêter l’exécution, s’il devait déboucher directement dans les eaux profondes de